« Je répare des climatiseurs maintenant » : le pari gagnant des femmes formées aux métiers techniques
Assise devant un climatiseur split, les mains habiles à visser le panneau arrière de l’évaporateur, Grace, 24 ans, symbolise une révolution silencieuse. « Avant, je vendais des beignets au marché. Aujourd’hui, j’installe des systèmes de froid », lance-t-elle, mètre en main. Comme elle, des centaines de femmes congolaises brisent les stéréotypes de genre grâce au programme PRAUFEC.
Trois fois par semaine, le Conseil National de la Jeunesse devient le laboratoire de cette transformation sociale. Au programme : cours théoriques sur les circuits frigorifiques et ateliers pratiques de climatisation. La session du 21 mai dernier a marqué les esprits : pendant quatre heures, les apprenantes ont décortiqué le fonctionnement des splits, outil après outil.
Un tremplin contre les inégalités de genre
« Notre objectif ? Créer des expertes reconnues dans des secteurs où les femmes brillent par leur absence », explique un formateur du Génie Congolais. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : moins de 5% des techniciens en froid ménager en RDC sont des femmes. Le programme, soutenu par la DYGES et le RECOPEC, veut inverser cette tendance.
Derrière les tournevis et les compresseurs, c’est une bataille pour l’autonomisation économique des femmes qui se joue. « Un technicien gagne entre 50$ et 100$ par intervention. C’est trois fois plus que mon ancien métier », calcule Joséphine, mère célibataire de trois enfants.
Des compétences qui changent des vies
Le curriculum exigeant combine physique et précision. Lors de la session du 19 mai sur les circuits frigorifiques, les participantes ont dû manipuler des gaz sous pression – exercice traditionnellement réservé aux hommes. « Au début, certains nous regardaient comme des extraterrestres. Maintenant, ils nous demandent conseil », s’amuse une apprenante, masque de protection en main.
Cette formation professionnelle pour femmes en RDC dépasse la simple acquisition de compétences. Elle redéfinit les rapports sociaux. « Mon mari m’a interdit de participer au premier jour. Aujourd’hui, il m’appelle sa ‘ingénieure’ », confie une participante sous couvert d’anonymat.
Vers une nouvelle donne économique ?
Les initiateurs du projet visent plus loin : créer d’ici 2025 un réseau de 2 000 femmes techniciennes à travers le pays. Un défi de taille dans un secteur où l’informel domine. « Nous travaillons sur une certification nationale reconnue par les employeurs », précise un responsable du programme PRAUFEC.
Mais le chemin reste semé d’embûches. Manque d’outils adaptés, résistance culturelle, accès limité aux clients… Autant de défis que devront surmonter ces pionnières. Pourront-elles transformer cet essai en véritable révolution sociale ? La réponse se niche peut-être dans le ronronnement des climatiseurs qu’elles installent déjà dans les maisons kinoises.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd