« Nous en avons assez de survivre avec des salaires de misère », lance Jean*, employé dans un commerce tenu par une entreprise indo-pakistanaise à Kinshasa. Comme des milliers de travailleurs congolais, il guette la signature du décret instaurant le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) à 14 500 francs congolais. Une attente devenue étouffante depuis l’ultimatum lancé par l’Organisation des travailleurs unis du Congo (OTUC) ce 19 mai.
Un compte à rebours social
Le président de l’OTUC, Ballot Ntambo, a sorti le chronomètre : « Le gouvernement avait jusqu’au 19 mai pour signer. Les paies se clôturent autour du 15. Comment appliquer le SMIG RDC 2025 si le décret traîne ? » Dans les rues de Gombe, cette inquiétude se transforme en colère sourde. Des salariés montrent leurs bulletins : « 8 000 FC pour 12 heures quotidiennes. Le SMIG promis doublerait à peine ça… mais même cela, on nous le refuse ».
Un bras de fer aux enjeux multiples
Derrière ces revendications salariales, c’est tout un modèle économique qui vacille. Le nouveau SMIG – environ 5 USD – reste pourtant bien en deçà du seuil de pauvreté fixé à 3,8 USD/jour par la Banque mondiale. « Ce n’est qu’une première étape », nuance un économiste contacté par notre rédaction. « Mais son blocage signerait l’incapacité de l’État à faire respecter ses propres institutions ».
Kinshasa, épicentre de la tension
La menace de grève des travailleurs au Congo prend un relief particulier dans la capitale. Ici, les employés du secteur informel (86% de l’économie nationale) observent avec amertume ce débat. « Moi qui gagne 3 000 FC par jour en vendant des mandarines, ce SMIG ne me concerne même pas », soupire Odette, vendeuse ambulante. Ce fossé entre formel et informel ajoute une couche explosive au conflit social à Kinshasa.
Le gouvernement dans l’œil du cyclone
Tous les regards se tournent vers la Première ministre Judith Suminwa. Pourquoi ce retard dans la signature ? « Des pressions patronales ? Des lenteurs administratives ? », s’interroge un syndicaliste sous couvert d’anonymat. L’OTUC rejette toute responsabilité : « Si la grève éclate, ce sera la faute du gouvernement ». Une rhétorique qui place l’exécutif en position d’accusé, alors que s’approchent les élections de 2026…
Quel avenir pour le dialogue social ?
Cette crise du Salaire minimum interprofessionnel Congo révèle une faille béante. Le Conseil national du travail, censé être l’arbitre, peine à imposer ses décisions. « Quand l’État bafoue ses propres instances, que reste-t-il aux travailleurs ? », questionne amèrement un juriste en droit du travail. La réponse pourrait bien se écrire dans les rues de Kinshasa d’ici fin mai 2025…
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net