Alors que l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) reste englué dans une spirale de violences, l’appel lancé par Léonard Matebwe, président général de l’Ordre supérieur épiscopal du Congo (OSEC), résonne comme un avertissement aux accents d’urgence. En pointant du doigt l’immobilisme des initiatives de paix, ce pasteur a jeté un pavé dans la mare politique lors d’une déclaration médiatique à Kinshasa, ce lundi 19 mai. Son plaidoyer ? Une refonte radicale de la gouvernance religieuse dans la résolution des conflits, via la création d’un ministère des Affaires religieuses. Une proposition qui interroge autant qu’elle divise.
« La CENCO et l’ECC naviguent à vue sans boussole étatique », a-t-il asséné, dénonçant l’absence de mandat officiel accordé par le Chef de l’État à ces institutions pour leur mission de médiation. Un constat cinglant qui soulève une question cruciale : comment des acteurs religieux, pourtant influents, peuvent-ils prétendre pacifier des zones en proie aux groupes armés sans légitimité institutionnelle ? Les récentes tentatives de dialogue, bien que louables, butent sur un écueil structurel : l’éparpillement des efforts faute de cadre unifié.
La métaphore employée par Matebwe frappe par son évidence : « Sans ministère dédié, les initiatives religieuses ressemblent à une armée sans état-major ». Cette critique voilée à l’égard du pouvoir actuel met en lumière un paradoxe troublant. D’un côté, les autorités proclament leur volonté de stabiliser l’Est ; de l’autre, elles négligent un levier stratégique – la coordination interconfessionnelle – qui pourrait pourtant désamorcer les tensions communautaires.
« Ceux qui décident depuis Kinshasa ont-ils seulement conscience de l’hécatombe quotidienne ? », interroge le leader religieux, martelant l’impératif d’une présence sur le terrain. Son argumentaire dépeint une fracture béante entre le centre décisionnel et les réalités locales. Une dichotomie qui alimente le scepticisme des populations meurtries, lasse des promesses non tenues.
La proposition de l’OSEC s’articule autour d’un triple enjeu : légitimer l’action religieuse par un ancrage institutionnel, mutualiser les ressources des différentes confessions, et instaurer un dialogue structuré avec les groupes armés. Reste à savoir si les autorités saisiront cette perche tendue. Car derrière cette requête se profile un avertissement : la crédibilité du pouvoir exécutif dans sa gestion de la crise sécuritaire se joue aussi sur sa capacité à intégrer les forces vives religieuses.
Alors que le M23 poursuit ses incursions et que les civils paient un tribut sanglant, la balle est désormais dans le camp présidentiel. L’absence de réaction officielle à cet appel serait-elle interprétée comme un désintérêt pour les mécanismes de pacification inclusive ? L’avenir proche le dira. Mais une chose est certaine : dans cette partie d’échecs géopolitique où chaque faux pas peut raviver les braises de la guerre, Kinshasa ne peut plus se permettre de négliger aucun allié potentiel.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net