Dans les rues poussiéreuses de Mwene-Ditu, province de Lomami, des seaux remplis d’eau trouble deviennent le symbole d’une crise silencieuse. « Hier encore, mes enfants ont vomi toute la nuit », confie Mama Sophie, mère de quatre enfants, en puisant de l’eau d’un puits à moitié asséché. Comme des milliers d’habitants de cette ville ferroviaire, elle affronte une réalité brutale : 14 jours sans eau potable aux robinets.
La REGIDESO, société publique chargée de la distribution d’eau, invoque une panne technique. « Le groupe électrogène de notre station de captage a lâché », explique François Mukonkole, responsable local. Un discours qui sonne creux pour les femmes contraintes de parcourir des kilomètres sous le soleil équatorial. Comment une panne mécanique peut-elle paralyser une ville entière pendant deux semaines ?
Derrière les explications techniques se cache un drame financier. La REGIDESO lance un appel pressant : « Payez vos factures ! » Selon M. Mukonkole, les recettes permettraient d’acheter le carburant nécessaire au fonctionnement des groupes thermiques. Mais comment exiger des paiements quand le service est interrompu ? Ce paradoxe illustre le cercle vicieux des infrastructures publiques en RDC.
Les conséquences sanitaires inquiètent les médecins. « L’eau non traitée provoque diarrhées, typhoïde et choléra », alerte le Dr Jean Kabasele de l’hôpital général. Un risque majeur dans une région où seulement 35% de la population a accès à des latrines améliorées (OMS, 2022). La consommation d’eau brute devient une bombe à retardement épidémiologique.
Cette crise met en lumière des enjeux structurels. Pourquoi la cinquième économie d’Afrique subsaharienne peine-t-elle à garantir un service élémentaire ? Entre défaillances techniques et culture du non-paiement des usagers, le modèle de gestion de l’eau montre ses limites. La solution passera-t-elle par des investissements massifs dans les infrastructures ou une réforme en profondeur de la REGIDESO ?
Alors que les ONG commencent à distribuer des pastilles de purification, les habitants de Mwene-Ditu attendent. Entre deux seaux d’eau boueuse, ils rêvent du jour où un simple geste – ouvrir un robinet – ne sera plus un parcours du combattant.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net