Kolwezi, épicentre des ambitions industrielles congolaises, a servi de cadre à une intervention remarquée de la Première Ministre Judith Suminwa lors du Katanga Business Meeting 2025. Entre promesses de transformation économique et rappels des défis sécuritaires, son discours dessine une feuille de route aux contours aussi ambitieux que périlleux.
Alors que le corridor de Lobito est présenté comme le catalyseur d’une nouvelle ère économique, la Cheffe du Gouvernement a déployé une rhétorique habile, mêlant pragmatisme industriel et appels à l’unité nationale. « Ce n’est pas un simple couloir d’exportation, mais l’artère vitale de projets structurants », a-t-elle martelé, esquissant une vision où trains et barges transporteront davantage que des minerais. Mais cette projection idyllique bute sur un présent énergétique défaillant : comment concilier développement ferroviaire et déficit chronique en électricité ? La promesse de micro-centrales hydroélectriques et photovoltaïques sonne comme un aveu implicite des limites du réseau national.
Sur le front sécuritaire de l’Est, le ton s’est fait plus grave. Évoquant « des millions de morts en trente ans de crise », Judith Suminwa a brandi l’étendard des processus de paix successifs – de Luanda à Doha – tout en reconnaissant leur inefficacité relative. Son appel à l’union nationale, « bouclier contre les divisions », résonne étrangement dans une province du Lualaba présentée en modèle de stabilité. N’y aurait-il pas ici un paradoxe à vanter les mérites d’une paix locale tout en mobilisant pour une guerre lointaine ?
Le dossier des creuseurs artisanaux révèle une autre tension. En préconisant leur regroupement en coopératives, le gouvernement tente de concilier formalisation économique et protection sociale. Mais cette stratégie suffira-t-elle à endiguer l’exploitation informelle qui mine depuis des décennies le secteur minier congolais ? La promesse de zones réservées aux artisans sonne comme un compromis fragile entre intérêts industriels et réalités socio-économiques.
Les échanges avec Washington ajoutent une dimension géostratégique au tableau. En évoquant les « erreurs passées » de contrats déséquilibrés, la Première Ministre lance un avertissement à peine voilé : la RDC entendra désormais négocier d’égal à égal. Mais cette fermeté affichée tiendra-t-elle face aux appétits des puissances minières mondiales ?
Au final, le gouvernement Suminwa semble naviguer entre deux eaux : d’un côté, un volontarisme affiché sur les grands projets structurants ; de l’autre, la gestion au jour le jour de crises multiséculaires. La réussite de cet équilibre précaire dépendra autant de la mobilisation des partenaires internationaux que de la capacité à transformer les discours en réalisations tangibles. L’avenir dira si le corridor de Lobito deviendra le symbole d’une véritable transformation industrielle ou simplement une nouvelle route pour l’extraction des ressources congolaises.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: primature.grouv.cd