Dans un geste symbolique chargé de sous-entendus géopolitiques, le ministre provincial du Plan de Kinshasa, Jésus-Noël Sheke Wa Domene, a franchi le fleuve Congo ce lundi pour une entrevue avec son homologue brazzavillois, Dieudonné Bantsimba. Objectif affiché : raviver la flamme d’une coopération transfrontalière souvent comparée à un mariage de raison entre deux capitales sœurs séparées par moins de cinq kilomètres d’eaux tumultueuses.
La COSPECO, cette Commission Spéciale de Coopération longtemps en sommeil, sert aujourd’hui de paravent institutionnel à des ambitions qui dépassent le folklore diplomatique. Derrière les sourires protocolaires se cachent des enjeux concrets : validation d’un cadre programmatique économique, préparation de la réunion institutionnelle de la Commission Culture de la CGLU prévue fin juin à Brazzaville, et organisation du Festival Mondial de la Musique et du Tourisme sous l’égide de l’ONU Tourisme. Une triple feuille de route qui fait dire aux observateurs : « On joue ici sur deux tableaux – l’économique et le culturel – pour masquer les vieux contentieux frontaliers ».
Le calendrier serré révèle une stratégie calculée. Alors que Kinshasa s’apprête à accueillir des artistes congolais des deux rives en juillet, Brazzaville se positionne en hôte de la prochaine réunion de la CGLU avec le soutien de l’Union européenne. Un jeu d’équilibre où chaque capitale cherche à tirer la couverture médiatique à soi, tout en affichant une unité de façade. « Cette coopération n’est pas un choix, c’est une nécessité géostratégique », a lancé Sheke Wa Domene, dans une formule qui sonne comme un aveu.
La véritable épreuve viendra début juin avec le sommet entre le gouverneur Daniel Bumba Lubaki et Bantsimba. Les analystes s’interrogent : ces embrassades diplomatiques suffiront-elles à concrétiser des projets bloqués depuis des années ? La question des financements européens, cruciale pour le Festival comme pour les projets culturels, reste en suspens. Un diplomate sous couvert d’anonymat glisse : « On recycle d’anciens dossiers dans un emballage neuf pour séduire les bailleurs internationaux ».
Reste que le timing interroge. À six mois des échéances électorales dans les deux pays, cette soudaine frénésie coopérative fait office de vitrine politique. Le Festival de juillet, présenté comme un outil de promotion touristique, pourrait bien servir de tribune électorale transfrontalière. Quant à la Commission Culture de la CGLU, elle offre à Brazzaville une occasion en or de redorer son blason international.
Entre realpolitik et spectacle diplomatique, la COSPECO tente de naviguer à vue. Sa crédibilité se jouera sur sa capacité à transformer ces annonces en réalisations tangibles avant la fin de l’année. Le prochain round aura lieu sur le ring kinshasais, où les deux capitales devront passer des déclarations d’intention aux engagements contraignants.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
