Dans un contexte où les cris de détresse résonnent dans les collines du Nord-Kivu, la rencontre entre Judith Suminwa et la présidente du CICR Mirjana Spoljaric prend des allures de bouée de sauvetage. « Nos enfants fuient les écoles, nos champs brûlent… Et le monde regarde ailleurs », témoigne Kambale, cultivateur déplacé à Goma depuis six mois. Ce face-à-face diplomatique à Kinshasa cristallise les espoirs de milliers de civils pris au piège d’un conflit qui s’enlise.
Au cœur des discussions : l’intensification de l’assistance humanitaire dans les zones contrôlées par le M23 et ses alliés rwandais. Un défi titanesque dans une région où l’accès aux populations reste un parcours semé d’embûches. Le CICR, gardien des conventions de Genève, promet de « décupler ses efforts » tout en maintenant sa neutralité. Une position délicate quand on sait que 72% des infrastructures sanitaires de l’Ituri ont été détruites selon un récent rapport onusien.
« Cette collaboration va au-delà de l’urgence », insiste Spoljaric, évoquant un plan d’action intégrant protection civile et soutien à la réconciliation. Des mots qui résonnent alors que le gouvernement congolais tente de concilier réponse militaire et approche humanitaire. Mais comment garantir la sécurité des convois quand les groupes armés contrôlent les axes routiers ? La question reste en suspens.
L’opération de rapatriement des forces de sécurité bloquées à Goma, citée en exemple, révèle une réalité plus complexe. Si 248 militaires ont regagné Kinshasa grâce au CICR, des centaines d’autres errent toujours dans l’Est. « Chaque victoire humanitaire cache mille drames invisibles », soupire une travailleuse sociale sous couvert d’anonymat.
Le gouvernement Suminwa y voit pourtant un modèle à dupliquer : « Cette synergie prouve qu’on peut allier urgence et stratégie à long terme ». Une affirmation qui interroge alors que le budget humanitaire national plafonne à 0,3% du PIB. Le CICR, lui, mise sur des solutions locales : formation de premiers répondants communautaires, soutien psychosocial aux victimes de violences…
Mais dans les camps de déplacés de Beni ou de Bunia, l’attente est palpable. « On veut des actes, pas des promesses », lance une mère de famille dans un centre d’hébergement surpeuplé. Un cri du cœur qui résume le défi : transformer les engagements de Kinshasa en réalité tangible pour ceux qui vivent l’enfer au quotidien.
Alors que la communauté internationale semble lasse de cette crise oubliée, cette alliance inédite entre le pouvoir central et une organisation humanitaire majeure ouvre peut-être une nouvelle ère. Reste à savoir si elle parviendra à inverser la tendance dans une région où 5,7 millions de personnes dépendent aujourd’hui de l’aide extérieure pour survivre.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: primature.grouv.cd