Les cris déchirent l’air moite de Lemba Lemba. Sous un ciel orageux, deux familles ont transformé leur voisinage en champ de bataille. « Ils ont surgi avec des machettes en hurlant des malédictions », raconte un témoin sous couvert d’anonymat. Le territoire de Kabeya Kamuanga, au Kasaï-Oriental, vient d’ajouter une page sanglante à sa longue histoire de conflits fonciers.
Trois blessés graves évacués d’urgence, cinq habitations réduites en cendres : ce bilan glaçant révèle l’acuité d’une crise latente. L’administrateur du territoire confirme à Congo Quotidien : « La tension couvait depuis des mois autour de parcelles non bornées. Notre médiation est arrivée trop tard. »
Comment en est-on arrivé à cette explosion de violence ? Les racines du drame plongent dans le flou juridique entourant les droits coutumiers. « Ici, les actes notariés cohabitent avec des traditions ancestrales », explique un juriste local. Un mélange inflammable dans une région où 65% des contentieux judiciaires concernent des litiges terriens.
Les familles rivales incarnaient cette dualité. D’un côté, des descendants de premiers occupants invoquant l’héritage lignager. De l’autre, des ayants droit munis de documents contestés. « Quand la loi reste muette, le fusil parle », déplore une travailleuse sociale de Tshikula.
L’escalade interroge les mécanismes de prévention. Malgré l’arrestation d’un protagoniste samedi, la communauté retient son souffle. Les maisons calcinées dressent leurs squelettes noircis comme des avertissements sinistres. « Et demain ? Qui protégera nos enfants ? », s’époumone une grand-mère devant les décombres.
Ce drame local cristallise un mal national. La RDC compte près de 80 millions d’hectares de terres agricoles, mais seulement 10% disposent d’un titre formel. « L’impunité et la précarité juridique alimentent ces violences cycliques », analyse un expert foncier de Mbuji-Mayi.
Derrière les statistiques, des vies brisées. À l’hôpital de Tshikula, les blessés luttent entre la vie et la mort. Dans les ruines, des familles pleurent leurs biens réduits en fumée. Et partout, cette question lancinante : jusqu’à quand ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net