À Muanda, dans le Kongo Central, une tension palpable oppose les commerçants transfrontaliers aux services de renseignements militaires, anciennement connus sous l’appellation DEMIAP. Le collectif de jeunes leaders de la localité, emmené par Armel Lubadika, dénonce des pratiques systématiques de confiscation de marchandises, malgré la régularité des opérations commerciales. Une situation qui interroge sur l’équilibre entre sécurité nationale et droit à l’entreprise dans ces zones frontalières stratégiques.
« Ces interventions arbitraires étouffent l’économie locale », accuse Armel Lubadika dans une déclaration relayée vendredi. Selon lui, les agents militaires ciblent délibérément les petits commerçants opérant entre la RDC et l’Angola, fragilisant une activité vitale pour des centaines de familles. La question se pose : jusqu’où peut s’étendre la prérogative sécuritaire face aux impératifs socio-économiques ?
Jean Pierre Mugaruka, responsable local de l’ex-DEMIAP, oppose une fin de non-recevoir à ces accusations. Dans un revirement accusatoire, il qualifie les allégations de « fabulations » orchestrées depuis Kinshasa par un Armel Lubadika en « exil volontaire » pour échapper à des poursuites judiciaires. Une rhétorique qui, curieusement, évite soigneusement de répondre sur le fond des confiscations dénoncées.
Le cœur du différend réside dans le contrôle nocturne de la frontière. Si Mugaruka invoque la lutte contre « les trafics illicites après 18h », les commerçants rétorquent que ces opérations serviraient de prétexte à des exactions rentières. Un paradoxe dans une région où la porosité frontalière alimente autant l’économie informelle que les réseaux parallèles.
Cette crise met en lumière les contradictions d’un État tiraillé entre militarisation des zones sensibles et stimulation des économies locales. Les autorités provinciales sauront-elles imposer un cadre régulateur clair, ou laisseront-elles persister cette zone grise où pouvoir sécuritaire et intérêts économiques s’entrechoquent ? La crédibilité des institutions congolaises face aux défis de gouvernance locale se joue peut-être ici, à Muanda, au rythme des chargements de marchandises saisis.
Alors que le Kongo Central ambitionne de devenir un hub commercial régional, ces tracasseries militaires risquent de hypothéquer son attractivité. Reste à savoir si Kinshasa, souvent accusé de négliger les périphéries, prendra la mesure d’un conflit qui dépasse la simple querelle locale. L’enjeu est de taille : concilier souveraineté étatique et libre circulation des biens, sans sacrifier l’une sur l’autel de l’autre.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net