La Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo a reporté au 20 mai le verdict hautement attendu dans l’affaire du détournement présumé de 285 millions de dollars lié au parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo. Initialement prévue le 14 mai, cette décision intervient dans un contexte de tensions judiciaires et politiques accrues, impliquant trois figures centrales : Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre et député national, Déogratias Mutombo, ex-gouverneur de la Banque centrale du Congo, et Christo Grobler, dirigeant sud-africain de la société Africom.
Les prévenus, jugés par défaut pour avoir systématiquement refusé de comparaître, font face à des accusations d’« enrichissement illicite » et de « violation des procédures de passation des marchés publics » selon le réquisitoire du procureur général. Ce dernier a exigé, le 23 avril dernier, une peine de dix ans de travaux forcés contre Matata Ponyo, assortie d’une inéligibilité décennale, ainsi que son arrestation immédiate. Pour Mutombo, une sanction de cinq ans d’inéligibilité est réclamée, tandis que Grobler risque une expulsion définitive du territoire congolais.
Sur quelle base légale repose ce jugement par contumace ? La Cour s’est appuyée exclusivement sur le rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF), qui détaille des irrégularités présumées dans la gestion des fonds alloués au projet Bukanga-Lonzo entre 2014 et 2018. Ce dossier, qualifié de « priorité judiciaire nationale » par les autorités, cristallise les enjeux de lutte contre l’impunité des élites en RDC.
Sur le plan politique, l’onde de choc de cette affaire secoue l’Assemblée nationale. Une frange de députés, soutiens affichés de Matata Ponyo, envisageait une résolution controversée pour appuyer l’ancien chef du gouvernement. Toutefois, Jean Claude Tshilumbayi, premier vice-président de l’hémicycle, a tempéré ces ardeurs lors d’une déclaration officielle : « Privilégions la médiation entre le président Vital Kamerhe et la Cour constitutionnelle plutôt que des initiatives parallèles susceptibles de compromettre la sérénité des institutions ».
Quelles sont les implications de ce report pour la crédibilité de la justice congolaise ? Les observateurs relèvent que la décision du 20 mai pourrait constituer un précédent dans les dossiers de corruption à grande échelle. Cependant, des voix de la société civile s’interrogent sur le calendrier judiciaire, à six mois de l’élection présidentielle où Matata Ponyo, bien qu’inéligible provisoirement, conserve une influence notable.
Le parquet général insiste sur le caractère « irréfutable » des preuves financières présentées, incluant des transferts bancaires internationaux et des contrats signés en violation des procédures d’urgence invoquées à l’époque. La défense des absents, par voie de communiqués, dénonce quant à elle une « instrumentalisation politique » du dossier et exige la réouverture des investigations.
Prochaines étapes : la chambre constitutionnelle devra trancher sur la régularité de la procédure suivie, tout en statuant sur le fond des accusations. Une condamnation définitive entraînerait non seulement des peines carcérales, mais aussi le gel des avoirs des condamnés et leur inscription sur la liste des personnalités sanctionnées par la cellule de lutte contre les infractions économiques.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd