La semaine écoulée en République Démocratique du Congo (RDC) a dévoilé une mosaïque de crises et de défis, reflétant les fractures persistantes d’une nation en quête de stabilité. De l’Est en proie aux groupes armés aux turbulences politiques à Kinshasa, en passant par les résonances régionales de la libération d’Ali Bongo, chaque événement interroge la capacité des acteurs à incarner une gouvernance crédible.
Goma sous le joug du M23 : un symbole de l’effritement sécuritaire
Plus de 100 jours après la prise de Goma par le M23, soutenu selon plusieurs rapports par des puissances étrangères, la ville vit au rythme d’une occupation militarisée. Catherine Lukadi, économiste et voix critique, dénonce une « souveraineté nationale piétinée » et un « échec politique cuisant ». Les arrestations massives menées par les rebelles, présentées comme des opérations de « bouclage », soulèvent des inquiétudes légitimes. « Sans cadre juridique légitime, ces pratiques risquent de se transformer en chasse aux opposants », avertit-elle, exigeant un monitoring international indépendant.
Kinshasa : entre nuisances sonores et cacophonie démocratique
À l’Ouest, le ministre Constant Mutamba durcit le ton contre les nuisances sonores, une mesure saluée mais sujette à caution. « La lutte contre le bruit ne doit pas servir de prétexte à museler les voix dissidentes », met en garde Lukadi, rappelant que Kinshasa reste un baromètre des libertés publiques. Parallèlement, l’étude de l’Institut Ebuteli sur les irrégularités électorales de 2023 jette une lumière crue sur un système gangréné par la corruption. « Comment restaurer la confiance quand les urnes sont suspectées d’être des coffres-forts truqués ? », interroge l’experte, appelant à une refonte urgente de la CENI.
Ali Bongo à Luanda : l’impunité, nouveau logiciel des transitions africaines ?
La libération de l’ex-président gabonais Ali Bongo, accueilli en Angola, suscite un débat sur les mécanismes de justice post-coup d’État. « Cette mansuétude pourrait envoyer un signal dangereux : celui de l’impunité négociée », analyse Lukadi. Un précédent qui résonne en RDC, où les transitions politiques restent minées par des compromis opaques. La question se pose : les élites africaines sont-elles condamnées à reproduire des cycles de pouvoir autoritaires sous de nouveaux masques ?
Ukraine-Afrique : quelle diplomatie pour un continent en quête d’influence ?
Alors que des pourparlers de paix ukraino-russes s’ouvrent à Istanbul, l’Afrique tente de se positionner en médiatrice. Mais pour Lukadi, « sans unité continentale et sans leviers économiques, nos discours resteront des vœux pieux ». Un constat qui s’applique aussi à la gestion des conflits internes : peut-on pacifier l’Est congolais sans une réforme profonde des armées et une diplomatie régionale assertive ?
Ces crises imbriquées dessinent un pays à la croisée des chemins. La prochaine étape ? Les élections locales de 2024, présentées comme un test pour la décentralisation. Mais dans un climat de défiance institutionnelle, gageons que la société civile, telle que Lukadi l’appelle de ses vœux, restera aux aguets. Car entre les promesses de réforme et leur traduction concrète, le fossé semble parfois aussi vaste que le fleuve Congo.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd