« Je passe parfois trois heures dans les embouteillages avant d’atteindre l’aéroport. C’est une humiliation quotidienne », témoigne Jean-Bosco, chauffeur de taxi-moto sur le boulevard Lumumba. Ce tronçon stratégique, unique voie d’accès à l’aéroport international de Nd’jili, symbolise aujourd’hui le calvaire de milliers de Kinois pris au piège d’une infrastructure en lambeaux.
Une route, trois enfers
Dès l’arrêt Debonhomme, les usagers plongent dans un premier cercle infernal. Le saut-de-mouton transformé en bourbier oblige les véhicules à slalomer entre des nids-de-poule profonds comme des bassins. « Les pluies ont aggravé la situation. Nos camions restent régulièrement embourbés ici », explique Mama Nelly, commerçante en produits frais.
Le deuxième obstacle, entre le quartier 1 et le boulevard Kimbuta, ressemble à un champ de bataille post-apocalyptique. La chaussée disparaît sous des monticules de terre mêlés à des déchets plastiques. « Les autorités nous parlent de développement pendant que nous respirons des odeurs d’égouts à ciel ouvert », s’indigne un riverain sous couvert d’anonymat.
Embouteillages et improvisation mortelle
Au niveau de Mikondo, le ballet dangereux entre piétons, motos et poids lourds crée une chorégraphie chaotique. Les conducteurs, à bout de patience, inventent des voies sauvages à travers les bas-côtés boueux. « C’est devenu la loi de la jungle. Chaque jour amène son accident », déplore un agent de sécurité routière.
Comment une artère aussi vitale peut-elle être laissée dans un tel état de délabrement ? La question hante les usagers comme les experts. « Cette route est le visage de Kinshasa pour les visiteurs étrangers. Quel message envoyons-nous ? », interroge le professeur Kabeya, urbaniste à l’UNIKIN.
Enjeux économiques et sanitaires
Les conséquences dépassent la simple gêne quotidienne. Les transporteurs augmentent leurs tarifs pour compenser le carburant gaspillé dans les bouchons. Les produits frais arrivent avariés sur les marchés. Pire : les eaux stagnantes favorisent la propagation de maladies comme le paludisme ou le choléra.
Malgré les promesses répétées des autorités provinciales, aucun chantier de réhabilitation n’a été engagé. « Nous avons alerté à maintes reprises sur l’urgence de la situation », assure un cadre du ministère des Infrastructures, préférant garder l’anonymat. Entre-temps, les Kinois continuent de s’enliser littéralement dans ce qui devrait être une fierté nationale.
La dégradation du boulevard Lumumba cristallise un malaise plus profond : celui d’une gestion urbaine à la traîne face à l’explosion démographique. Alors que la RDC ambitionne de devenir un hub économique régional, ses infrastructures routières semblent prendre le chemin inverse. Jusqu’à quand ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net