Dans le camp de déplacés de la paroisse Saint Gabriel à Simisimis, l’odeur de la précarité se mêle aux rires timides des enfants. « J’ai troqué mon champ contre un bout de carton pour dormir », confie Célestin Tabu Selemani, les mains serrées sur un sac de riz fraîchement reçu. Comme lui, des centaines de familles victimes du conflit Mbole-Lengola survivent ici depuis des mois, loin de leurs terres, dans l’attente d’une lueur d’espoir.
Samedi 17 mai, l’Association Usalama a insufflé un répit à cette communauté oubliée. Nourriture, vêtements, savon et sel : les kits distribués font office de bouée de sauvetage dans une zone où 78% des déplacés dépendent de la mendicité selon les estimations locales. « Mes enfants ramenaient des restes du marché. Maintenant, je peux leur préparer un vrai repas », souffle une mère, les yeux rivés sur un paquet de farine.
Osee Ngeleza, porte-parole d’Usalama, décrypte cette initiative citoyenne : « Notre action dépasse l’assistance matérielle. C’est un cri du cœur pour que personne ne normalise cette détresse. » Un message relayé par le père Gabriel Mbelia, curé de la paroisse, qui interpelle : « La solidarité ne doit pas être l’exception, mais le reflet de notre humanité commune. »
Derrière les sourires de circonstance, une question brûle les lèvres : pourquoi le gouvernement tarde-t-il à prendre le relais ? Les déplacés, majoritairement des agriculteurs, vivent un paradoxe cruel : privés de leurs terres nourricières, ils dépendent d’une aide aléatoire dans une région pourtant riche en ressources.
Le cas de Simisimis illustre un malaise plus profond. Alors que Kisangani voit affluer régulièrement des déplacés des zones de conflit, les structures d’accueil restent saturées. « Nous avons transformé l’église en dortoir, mais comment soigner les traumatismes ? », s’interroge un travailleur social sous couvert d’anonymat.
L’élan de solidarité initié par Usalama ouvre cependant une brèche d’espoir. « Ce soutien nous redonne dignité », témoigne une bénéficiaire en ajustant un pagne neuf. Une dignité fragile, menacée par l’incertitude du retour. Car le vrai défi reste la résolution du conflit Mbole-Lengola, dont les racines – tensions foncières, rivalités historiques – exigent plus qu’une aide d’urgence.
Alors que la nuit tombe sur le camp, une évidence s’impose : sans mécanismes durables d’insertion et de médiation communautaire, Kisangani risque de voir se multiplier ces poches de vulnérabilité urbaine. La balle est désormais dans le camp des décideurs.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
