Dans les ruelles animées de Kinshasa, le regard de la société sur l’autisme reste teinté de méconnaissance et de peur. « Mon fils a été traité de possédé par nos voisins. On m’a conseillé de l’enfermer pour protéger notre honte », confie Mama Joséphine, mère d’un enfant de 8 ans suivi à l’école Les Amis de Daniel. Ce témoignage glaçant illustre une réalité quotidienne pour des centaines de familles confrontées au double défi du handicap et des préjugés.
À Ngaliema, l’établissement dirigé par Nadine Wauters fait office de rempart contre l’exclusion. Sur les bancs de cette école pas comme les autres, des enfants autistes, trisomiques ou atteints de troubles dys côtoient des éducateurs formés à leurs besoins spécifiques. « Ici, on ne parle pas de mauvais esprits mais de neurodiversité », martèle la fondatrice, elle-même mère d’un enfant autiste.
Le poids des traditions contre l’inclusion sociale
Comment expliquer cette persistance des stéréotypes dans la capitale congolaise ? Pour le sociologue Albert Tshibanda, « la méfiance envers l’autisme puise ses racines dans un cocktail toxique : analphabétisme, croyances ancestrales et manque criant de structures adaptées ». Résultat : près de 100 000 enfants en situation de handicap seraient privés de scolarisation selon les estimations.
L’école Les Amis de Daniel tente d’inverser la tendance avec des moyens limités. Sans subventions gouvernementales, l’établissement survit grâce aux contributions parentales et à la débrouillardise de son équipe. « Nos tableaux sont usés, mais pas notre détermination », souligne un enseignant en montrant du doigt les cahiers personnalisés pour enfants dyslexiques.
Quelle réponse politique ?
Si des initiatives privées émergent, les acteurs du terrain déplorent l’absence de cadre légal fort. « La loi congolaise prévoit l’éducation pour tous, mais comment l’appliquer sans budget dédié ni formation des enseignants ? », interroge Me Augustin Mbuyi, avocat spécialisé dans les droits des personnes handicapées.
Pendant ce temps, les parents se battent sur tous les fronts. « Entre les séances d’orthophonie, la recherche de médicaments introuvables et la lutte contre les ragissses… C’est un marathon sans ligne d’arrivée », soupire Papa Jonathan, dont la fille présente un trouble du spectre autistique.
Vers un changement de paradigme ?
Malgré les obstacles, des lueurs d’espoir percent. La Fondation Nadine Wauters a formé 150 enseignants publics aux bases de l’éducation inclusive en 2023. « Chaque enfant qui entre dans notre école devient ambassadeur d’une nouvelle perception du handicap », explique la directrice, montrant fièrement les ateliers de poterie où s’épanouissent des adolescents autistes.
Le chemin reste pourtant semé d’embûches. Comment construire une société inclusive quand 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté ? Comment concilier traditions et approche scientifique du handicap ? Ces questions cruciales appellent des réponses urgentes alors que la RDC s’est engagée à respecter les Objectifs de développement durable des Nations unies.
À l’heure où Kinshasa ambitionne de devenir une métropole moderne, le traitement réservé à ses enfants les plus vulnérables en dira long sur sa capacité à concilier progrès et justice sociale. Comme le rappelle Nadine Wauters : « L’autisme n’est pas une malédiction, mais une invitation à repenser notre humanité ».
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Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
