À l’Est, la liste des tragédies ne cesse de s’allonger. Massacres, exodes de populations, épidémies foudroyantes et flambée des violences sexuelles rythment le quotidien du Nord-Kivu, de l’Ituri et du Sud-Kivu. Cette semaine aura vu s’aggraver le drame humanitaire, illustrant l’impuissance d’un État écartelé entre urgences nationales et jeux d’équilibriste au sommet. Entre la course au dialogue international – Lomé, ONU, UE – et la lassitude citoyenne, un constat s’impose : l’heure n’est plus aux promesses, mais à la responsabilité.
Faut-il s’étonner que la République Démocratique du Congo tienne l’actualité mondiale par le fil rouge du sang versé à l’Est ? L’addition macabre de ces sept derniers jours dépasse l’indignation. Plus de 30 civils tués à Lubero par les ADF, des milliers de déplacés fuyant les exactions du M23, la reprise sanglante de Kishishe et Bambo, la fermeture de marchés, la pénurie de soins et le retour des épidémies.
À ce tableau s’ajoute l’offensive persistante des milices (Wazalendo, Zaïre-CRP, CODECO), la contagion des violences sexuelles et la multiplication des naufrages meurtriers dans un contexte de ports fluviaux illégaux jamais refermés, malgré les annonces officielles.
La réponse institutionnelle, pour l’essentiel, oscille entre réunions à huis clos, commissions d’enquête et altercations politiques. Le Sénat examine dans la fébrilité la levée d’immunité de l’ex-président Kabila, l’Assemblée multiplie les recommandations aux gouverneurs défaillants et la justice tente, à grand bruit, de sanctionner quelques policiers dans l’affaire Kabeya Senda. Mais reconnaissons-le : derrière le vacarme parlementaire, la réalité du terrain reste celle d’enfants affamés à Shari, de femmes violées chaque jour à Goma ou Bukavu, de routes ravagées et d’une jeunesse que le tramadol, la faim et la kalachnikov menacent plus sûrement que toute idéologie.
La diplomatie, elle, court après la paix : médiation de Lomé, sommet africain en vue, injonctions de l’ONU et de Bruxelles. Mais sur place, la confiance populaire sèche comme les rizières du Sud-Kivu après les inondations – tandis qu’au lendemain des grands discours, l’aide alimentaire peine à franchir les barrages armés. Au fil des semaines passées, la chronique d’un État fissuré s’est précisée : une gouvernance éclatée entre centralisme impuissant, rivalités provinciales et une société civile en épuisement.
Face à cette réalité, il serait perfide de ne pointer que l’ombre des bourreaux rwandais, ou le vent mauvais des milices, sans interroger nos propres failles. Car si la mobilisation humanitaire – du CICR à l’UNICEF – sauve des vies, elle ne bâtit pas l’avenir. L’heure est venue d’exiger des dirigeants un engagement total pour la sécurité intérieure : dépassement des querelles de chapelles, refonte de l’outil sécuritaire, reddition de comptes authentique et recentrage de l’agenda politique sur la vie et la dignité des Congolais. Oui, le Congo doit être acteur de son destin, non spectateur impuissant d’un drame qui s’éternise.
Cette semaine plus que jamais, notre société se trouve face à elle-même : céder au fatalisme ou relever le défi du courage collectif. Que chacun refuse la résignation, s’indigne, s’informe, se solidarise. Et que nos décideurs cessent de compter sur l’inertie du peuple ou sur le tutoiement des chancelleries étrangères : ils n’ont pour mandat que la vie, la paix, et la dignité retrouvée pour les millions de Congolaises et Congolais. La tragédie de l’Est n’est pas une fatalité. Elle est le miroir d’un pays à refonder – il est temps d’en prendre la mesure, ensemble.
— La Rédaction de CongoQuotidien