La Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) vient de jeter un pavé dans la mare politique congolaise. Dans une déclaration cinglante vendredi 16 mai, les évêques catholiques ont dressé un constat sans appel : les consultations politiques censées déboucher sur un gouvernement d’union nationale se sont transformées en un dialogue de sourds, miné par des calculs partisans et un climat délétère.
Monseigneur Donatien Nshole, porte-voix de l’institution ecclésiale, n’a pas mâché ses mots : « Comment prétendre bâtir l’unité quand les discussions ressemblent à une partie d’échecs où chaque camp campe sur ses positions ? » Cette critique en filigrane du processus piloté par l’Union sacrée du président Tshisekedi sonne comme un désaveu cinglant pour le pouvoir en place.
Un boycott qui en dit long
Lancées en grande pompe le 24 mars dernier, ces consultations butent sur une réalité implacable : près de 90% de l’opposition et des organisations de la société civile ont boudé les tables rondes présidentielles. Un camouflet pour la majorité qui y voyait pourtant un levier pour endiguer la crise politique dans l’Est du pays, alors que les rebelles du M23 progressent à vue d’œil.
« Peut-on vraiment s’étonner de ce boycott quand les discussions excluent les véritables forces vives de la nation ? », interroge un analyste politique sous couvert d’anonymat. Les détracteurs du processus dénoncent une mascarade destinée à légitimer un pouvoir fragilisé par les défaites militaires et les divisions internes.
L’Est en flammes, Kinshasa en embuscade
Dans ce contexte explosif, la crise sécuritaire dans le Kivu prend des allures de bombe à retardement. La chute symbolique de Goma et Bukavu a révélé au grand jour les failles d’un appareil étatique en plein marasme. Pendant que les armes parlent à l’Est, les arènes politiques de la capitale ressemblent à un théâtre d’ombres où s’affrontent ambitions personnelles et stratégies de survie.
L’appel à l’unité lancé par l’Église du Réveil – « l’union nationale ne saurait être l’apanage de quelques initiés » – contraste avec le pragmatisme de rares opposants comme Adolphe Muzito. L’ancien Premier ministre, l’un des seuls à avoir participé aux consultations, use de métaphores rurales évocatrices : « Quand le serpent menace la ferme, on oublie les querelles de clocher. » Une image qui souligne l’urgence d’une réponse collective face à la menace sécuritaire.
L’heure des choix stratégiques
Plus d’un mois après la clôture des pourparlers, le compte à rebours est enclenché. Le pouvoir parviendra-t-il à transformer l’essai d’ici la prochaine session parlementaire ? Rien n’est moins sûr. Les observateurs pointent un risque majeur : ce gouvernement de la dernière chance pourrait se muer en cheval de Troie, cristallisant les tensions au lieu de les apaiser.
La balle est désormais dans le camp du président Tshisekedi. Sa capacité à dépasser les logiques clanistes et à impliquer les vraies forces d’opposition déterminera l’issue de cette crise multidimensionnelle. Une équation complexe où se mêlent enjeux sécuritaires, pressions internationales et survie politique. L’Histoire retiendra-t-elle ce moment comme le prélude d’une renaissance nationale ou celui d’un naufrage annoncé ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
