« Avant, nous partagions des informations comme ça, sans réfléchir. Aujourd’hui, je deviens une sentinelle contre le poison des rumeurs. » Le témoignage percutant de Nana Sumbuso, étudiante à Bunia, résume le déclic provoqué par la formation de la MONUSCO. Comme elle, 39 autres jeunes femmes viennent d’être équipées pour contrer un fléau qui mine l’Ituri : la désinformation et les discours de haine.
Pendant trois jours, ces activistes venues d’horizons divers – étudiantes, infirmières, avocates – ont décortiqué les mécanismes des fake news. « Beaucoup pensent qu’elles ne touchent que les analphabètes, mais nous avons réalisé que même les diplômés comme nous étaient vulnérables », confie une participante sous couvert d’anonymat. Les chiffres donnent raison à cet aveu : 68% des messages partagés par le groupe n’avaient jamais été vérifiés auparavant.
Jean Tobie Okala, responsable MONUSCO, alerte sur l’urgence de la situation : « Un message haineux posté à Bunia le matin peut déclencher des violences à Mahagi le soir même. Les réseaux sociaux ont transformé chaque smartphone en arme potentielle. » Dans cette province où 73% de la population a moins de 30 ans, la jeunesse devient simultanément cible et relais des manipulateurs d’opinion.
Le programme de formation a mis l’accent sur des outils concrets : vérification des sources, détection des deepfakes, analyse critique des images. « Saviez-vous que 40% des vidéos virales sur les conflits en Ituri datent en réalité d’autres guerres en Afrique ? », interroge une formatrice lors d’un atelier pratique. Les participantes ont appris à utiliser des plateformes comme InVid pour authentifier les contenus.
Mais le véritable défi commence maintenant. Comment transformer ces 40 ambassadrices en multiplicateurs d’influence ? « Je vais créer des groupes WhatsApp familiaux pour décortiquer les infos douteuses ensemble », propose Dorcas Mbambu, infirmière à Djugu. D’autres prévoient des sketchs communautaires ou des émissions radio locales. La MONUSCO promet un suivi mensuel pour évaluer l’impact réel sur le terrain.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte où les fausses informations sur les opérations militaires ont récemment provoqué des déplacements massifs de population. « Quand on accuse une communauté de préparer des attaques, c’est toute la cohabitation pacifique qui tremble », analyse un expert en résolution de conflits. Les participantes ont étudié des cas concrets où des rumeurs ont déclenché des représailles sanglantes.
Reste la question cruciale : peut-on vraiment inverser la tendance dans une région minée par des années de violence ? Les premiers signes sont encourageants. Déjà, certaines formées ont identifié et déjoué une fausse alerte à l’attaque armée circulant sur Facebook. Un petit pas pour l’Ituri, un bond géant pour la crédibilité de la lutte contre la désinformation.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net