La nomination de Christophe Bitasimwa à la tête de l’Inspection générale des finances (IGF) marque un tournant institutionnel dans la gouvernance économique de la République démocratique du Congo. Cet ancien pilier des brigades territoriales, promu inspecteur général des Finances le 7 mai 2025, incarne à la fois la continuité et les défis d’un système en quête de crédibilité. Son entrée en fonction jeudi 15 mai, lors d’une cérémonie sobre mais symbolique, ouvre un chapitre crucial pour le contrôle des dépenses publiques.
Fils maison de l’IGF, où il officie depuis 1988, Bitasimwa se présente comme un technocrate aguerri. Son parcours, dédié à l’assainissement financier des entités décentralisées, lui confère une légitimité technique incontestable. Mais dans un pays où les nominations stratégiques oscillent souvent entre compétence et calcul politique, sa désignation interroge : simple promotion méritocratique ou choix tactique pour apaiser les critiques sur la gestion des fonds publics ?
Le nouveau patron des finances publiques hérite d’un mandat explosif : surveiller régies financières, entreprises d’État et gouvernorats provinciaux dans un contexte de tensions budgétaires croissantes. Ses déclarations officielles, relayées par le service de communication de l’IGF, insistent sur sa maîtrise des « mécanismes budgétaires » – formule aussi rassurante que vague. Reste à savoir comment ce professeur d’économie, habitué aux amphithéâtres universitaires, négociera le terrain miné des intérêts politico-économiques.
Son double ancrage académique – à la Haute école de commerce de Kinshasa et à l’Université protestante du Congo – pourrait constituer un atout pour moderniser les méthodes de contrôle. Mais l’expérience enseigne que les réformes structurelles butent souvent sur les réalités du terrain congolais. Bitasimwa parviendra-t-il à imposer une culture de la reddition des comptes dans une administration rongée par des pratiques opaques ?
La passation de pouvoir avec Jules Alingete, son prédécesseur, s’est déroulée sous le signe d’une courtoisie protocolaire. Pourtant, certains observateurs y voient un changement d’ère : après les années Alingete marquées par des audits controversés, le nouvel inspecteur général devra restaurer l’autorité morale de l’IGF. Son premier test consistera à démontrer son indépendance face aux pressions gouvernementales, notamment dans le contrôle des dépenses liées aux grands projets d’infrastructures.
Si son expertise technique ne fait guère débat, c’est sur le plan politique que le bât blesse. Nommé dans un contexte de resserrement budgétaire, Bitasimwa devra naviguer entre exigences de transparence et réalpolitik. Sa capacité à sécuriser le circuit de la dépense publique, des services d’assiette jusqu’aux ETD, pourrait déterminer la crédibilité internationale du pays. Un équilibre périlleux pour ce fin connaisseur des arcanes financières, désormais propulsé en première ligne de la lutte contre les détournements.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net