La ville de Beni, au Nord-Kivu, traverse une crise alimentaire aiguë, marquée par une flambée inédite des prix des denrées de base. En l’espace de quelques jours, le kilo d’oignons a bondi de 3 000 à 7 000 francs congolais (environ 2,4 USD), soit une hausse de plus de 130%, selon les données recueillies au marché de Mayangose. Le sac de riz de 25 kg, pilier de l’alimentation locale, a suivi la même tendance, passant de 23 à 25 dollars, tandis que les poireaux et les arachides subissent des augmentations allant jusqu’à 200%. Une situation qui place les ménages dans un étau financier, alors que le salaire moyen plafonne à moins de 50 USD mensuels.
Quelles sont les racines de cette inflation galopante ? Les commerçants pointent deux facteurs structurels. D’abord, les travaux de réhabilitation du pont Semuliki, axe vital reliant Beni à Kasindi, perturbent gravement la logistique. Ce pont, comparable à une artère économique, assure normalement le transit de 70% des marchandises agricoles vers Beni. Sa fermeture partielle allonge les trajets de 48 heures en moyenne, selon un transporteur interrogé, entraînant une hausse des coûts de fret de près de 40%. Ensuite, l’insécurité persistante dans les zones maraîchères du territoire de Beni paralyse la production locale. « Nos fournisseurs dans les villages ne peuvent plus cultiver à cause des attaques répétées », explique un grossiste en légumes, sous couvert d’anonymat.
Les conséquences économiques sont systémiques. L’indice des prix alimentaires à Beni a grimpé de 22% sur un mois, selon des estimations locales non officielles. Cette poussée inflationniste frappe particulièrement les produits périssables : les oignons – ingrédient clé de la cuisine congolaise – symbolisent cette crise. « C’est simple : aujourd’hui, avec 7 000 FC, vous achetez trois fois moins de nourriture qu’il y a deux semaines », résume une mère de famille rencontrée devant un étale désespérément vide.
En toile de fond, cette crise révèle la vulnérabilité chronique des circuits d’approvisionnement en RDC. Le pays dépend à 80% de petites exploitations agricoles pour sa sécurité alimentaire, selon la Banque mondiale. Or, les zones comme le Nord-Kivu cumulent les handicaps : infrastructures routières défaillantes, insécurité chronique, et absence de stocks régulateurs. « Sans mécanismes de stabilisation des marchés, la moindre perturbation se transforme en tsunami social », analyse un économiste basé à Goma.
Les appels à l’action se multiplient. Les commerçants exigent une accélération des travaux sur le pont Semuliki, initialement prévus sur six mois. Parallèlement, des voix s’élèvent pour demander un renforcement sécuritaire autour des bassins de production. « Si l’armée sécurisait ne serait-ce que 50 km autour des champs, les prix chuteraient naturellement », argumente un leader paysan.
À moyen terme, cette crise alimentaire à Beni pourrait avoir des répercussions politiques. Alors que la région tente de se relever après des années de conflits armés, la détérioration du pouvoir d’achat risque d’attiser les tensions sociales. Reste à savoir si les autorités saisiront l’urgence : pour des milliers de familles, chaque jour de retard se compte désormais en repas sautés.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net