Dans un contexte de tensions croissantes autour de l’occupation des esp publics à Kinshasa, la ministre des Affaires foncières Acacia Bandubola a livré un plaidoyer sans ambages devant l’Assemblée nationale. Son intervention jeudi 15 mai, en réponse au député Gratien Iracan, révèle les arcanes d’un dossier épineux : la démolition des constructions jugées illégales dans la commune de Ngaliema.
« L’État ne saurait transiger sur la protection de son domaine public », a martelé la ministre d’État, justifiant les opérations le long de la rivière Mapenza et de la voie ferrée. Un discours qui sonne comme un rappel à l’ordre face aux multiples empiétements observés. Mais derrière cette fermeté affichée se profile un jeu d’équilibre délicat entre application rigoureuse de la loi et gestion des réalités sociales.
Le gouvernement provincial, selon ses explications, mènerait cette campagne dans le cadre d’une « sécurisation collective » du territoire urbain. Une formulation qui ne parvient pas à masquer les interrogations sur les critères de régularisation des habitats précaires. Jusqu’où peut s’étendre la notion de sécurité collective face à la précarité habitative de milliers de Kinois ?
Certains observateurs y décèlent une volonté de réaffirmer l’autorité étatique sur un secteur foncier longtemps laissé en déshérence. « Quand le pouvoir provincial déploie des pelleteuses, il ne détruit pas que du béton : il reconstruit symboliquement sa souveraineté », analyse un expert en gouvernance urbaine sous couvert d’anonymat. Reste que cette démonstration de force institutionnelle risque de se heurter à l’épineuse question des relogements.
Le député Iracan, par sa question cinglante, a pointé du doigt l’absence criante de solutions d’accompagnement. Une critique balayée d’un revers de main par la ministre : « La priorité immédiate est de stopper l’hémorragie urbanistique ». Une position qui alimente les spéculations sur les véritables enjeux de ces démolitions. S’agit-il d’un simple réajustement cadastral ou du prélude à une restructuration plus ambitieuse du tissu urbain kinois ?
Les métaphores employées par Bandubola – évoquant « l’assainissement » et la « moralisation » du secteur – trahissent une vision technocratique peu encline aux compromis. Pourtant, l’histoire récente montre que les opérations coup de poing sans dialogue préalable alimentent souvent de nouveaux contentieux. Le chantier de l’urbanisme à Kinshasa, véritable casse-tête hérité de décennies de laisser-faire, exigera plus qu’une démonstration de force pour être résolu.
À l’heure où la capitale congolaise aspire à se moderniser, ce bras de fer silencieux entre régularisation et répression pourrait bien déterminer l’avenir de son paysage urbain. La suite dépendra de la capacité des autorités à transformer l’essai : passer de la logique punitive à une politique intégrée mêlant prévention, régulation et inclusion sociale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net