Dans un contexte de tensions persistantes à l’Est de la République Démocratique du Congo, marqué par la récente chute de Goma aux mains du M23, l’initiative du Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble portée par la CENCO-ECC cristallise les divisions au sein de l’échiquier politique. Alors que Kinshasa affiche une méfiance palpable, les évêques congolais tentent de désamorcer les craintes d’un agenda caché. « Il n’y a aucune intention de renverser l’ordre constitutionnel », insiste Donatien Nshole, Secrétaire Général de la CENCO, lors d’une conférence de presse ce vendredi. Une clarification qui sonne comme un rappel à l’ordre à l’égard des cercles du pouvoir soupçonneux.
La rhétorique des évêques, teintée d’urgence pastorale, se heurte aux réalités d’un régime en posture défensive. Le président Tshisekedi, présenté comme « garant de la nation », serait-il prisonnier des frilosités de son propre camp ? La CENCO pointe du doigt les « intérêts mesquins » de certains conseillers présidentiels, accusés de détourner le chef de l’État de ses obligations populaires. Un langage rare dans sa franchise, qui dévoile les fractures entre le spirituel et le politique.
Ironie du sort : tandis que l’opposition et la société civile rallient massivement le projet – « pratiquement toute l’opposition a adhéré » selon Nshole –, l’UDPS, parti présidentiel, campe sur une ligne de méfiance institutionnelle. « L’Église n’a pas vocation de prendre des initiatives politiques », rétorque-t-on dans les cercles du pouvoir. Un paradoxe quand Bruxelles et Paris soutiennent ouvertement ces appels au dialogue, y voyant une clé pour stabiliser les Grands Lacs.
Derrière les joutes verbales se profile un enjeu crucial : qui maîtrisera le récit de la sortie de crise ? Les églises, fortes de leur ancissage territorial, jouent leur crédibilité face à un exécutif fragilisé par l’enlisement sécuritaire. La balle semble désormais dans le camp de Tshisekedi : saura-t-il transformer les « préoccupations » évoquées lors de sa rencontre avec la CENCO en feuille de route concrète ? Les prochaines semaines s’annoncent déterminantes pour ce dialogue national aux allures de bras de fer stratégique.
Reste une question lancinante : comment expliquer la réticence de Kinshasa à embrasser une initiative soutenue par ses propres bailleurs internationaux ? Entre calculs électoralistes et défiance historique envers la société civile, le pouvoir semble naviguer à vue. Un risque politique majeur alors que le M23 consolide ses positions. La CENCO-ECC parviendra-t-elle à imposer son Pacte social comme alternative crédible face à la realpolitik des armes ? L’histoire jugera.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
