« Nous vivons avec la mort au quotidien. Chaque pluie agrandit ces trous béants qui avalent nos maisons », témoigne Julienne Mbala, habitante du quartier éponyme. Son émotion traduit l’angoisse collective face à l’interruption des travaux anti-érosion Kinshasa initiés par l’Office des Voiries et Drainage (OVD) et ses partenaires chinois.
Depuis février 2019, la coupure de la route Matadi à Selembao transforme les averses en torrents destructeurs. Le quartier Mbala subit une double peine : érosion historique aggravée et nouvelles brèches menaçant la RN1. « Avant, on comptait trois ravins. Aujourd’hui, il y en a sept qui grandissent comme des serpents affamés », décrit un chef de rue sous couvert d’anonymat.
La visite présidentielle de janvier 2024 avait pourtant suscité l’espoir. Félix Tshisekedi avait personnellement ordonné l’urgence des travaux lors de son premier chantier post-investiture. Résultat mitigé : si la RN1 fut réhabilitée en deux mois, le collecteur crucial reste inachevé, symbole d’un projet abandonné à mi-parcours.
Cette suspension chantiers OVD interroge sur la gestion des infrastructures publiques. « Où sont passés les engins ? Pourquoi les Chinois ont-ils plié bagage ? », s’insurge un commerçant local. Les riverains dénoncent une logique de « chantiers-spectacles » prioritaires sur les réalisations durables.
Les conséquences environnementales et humaines s’alourdissent. L’érosion quartier Mbala aurait déjà fait 14 victimes selon un recensement associatif. « Ma nièce a disparu dans un effondrement la nuit du 15 août », sanglote Mama Koko, les yeux rivés sur le ravin proche de sa case.
Cette paralysie des travaux révèle un paradoxe congolais : comment concilier urgence sociale et lourdeurs administratives ? Les impacts environnementaux RDC s’accentuent pendant que les dossiers stagnent dans les tiroirs ministériels. Un expert en géotechnique anonyme alerte : « Sans intervention d’ici décembre, la RN1 pourrait être coupée pendant la prochaine saison des pluies ».
Les alternatives citoyennes émergent péniblement. Des jeunes tentent de colmater les fissures avec des sacs de sable, solution dérisoire face à l’ampleur du phénomène. « On joue aux apprentis sorciers en attendant les vrais experts », lâche un volontaire découragé.
Cette crise pose une question fondamentale : jusqu’où peut-on sacrifier l’environnement et la sécurité des populations sur l’autel des lenteurs bureaucratiques ? Le collecteur inachevé de la RN1 devient le monument invisible d’une promesse présidentielle non tenue, tandis que Kinshasa continue de s’enfoncer littéralement sous les yeux impuissants de ses habitants.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net