Dans une région où l’accès à l’électricité reste un défi quotidien pour des milliers de ménages, une initiative inédite vient de voir le jour au Nord-Kivu. Les acteurs publics et privés du secteur énergétique ont scellé mercredi 14 mai à Beni une alliance stratégique visant à mutualiser leurs ressources techniques et financières. Cette décision, prise lors d’une table ronde provinciale orchestrée par le gouverneur Evariste Kakule Somo, pourrait marquer un tournant décisif pour l’électrification du Grand Nord.
Le constat dressé par les participants fait froid dans le dos : malgré une libéralisation du secteur depuis 2014 et des investissements cumulés dépassant les 50 millions de dollars selon les estimations de la Banque mondiale, le taux d’accès à l’électricité plafonne à 18% dans cette zone. « Comment expliquer ce paradoxe d’une croissance économique entravée par des coupures quotidiennes alors que notre sous-sol regorge de potentialités énergétiques ? », s’interroge David Kamuha, conseiller financier du gouverneur.
La stratégie adoptée repose sur trois piliers majeurs : l’harmonisation des réseaux existants, le partage des infrastructures de distribution et la création d’un fonds commun d’investissement. Les sociétés énergie RDC présentes sur le terrain, dont certaines exploitent des microcentrales hydroélectriques, devront désormais aligner leurs plans de développement sur une cartographie unique des besoins prioritaires.
Ce rapprochement intervient dans un contexte sécuritaire volatile où chaque kilowatt-heure supplémentaire représente un enjeu de stabilisation régionale. Les chefs coutumiers présents à la réunion n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner le lien direct entre l’éclairage public et la réduction de l’insécurité nocturne. La MONUSCO, partenaire technique du projet, a quant à elle insisté sur la nécessité d’intégrer les populations déplacées dans les nouveaux schémas d’approvisionnement.
Mais le véritable défi réside dans l’articulation entre intérêts privés et mission de service public. « La mutualisation des efforts électrique ne signifie pas dilution des responsabilités », tempère un directeur d’opérateur énergétique sous couvert d’anonymat. Les modalités concrètes de ce partenariat public-privé restent à préciser, notamment concernant la tarification sociale et les mécanismes de péréquation entre zones urbaines et rurales.
À l’heure où la RDC mise sur son plan national d’électrification 2025, cette initiative locale pourrait servir de laboratoire pour d’autres régions. Les premiers effets concrets se mesureront d’ici six mois avec l’extension programmée du réseau à cinq localités prioritaires. Reste à savoir si cette stratégie énergétique Beni parviendra à concilier rentabilité économique et impératif social dans un secteur où les échecs passés ont laissé des cicatrices durables.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net