Kolwezi, épicentre des ambitions économiques de la République Démocratique du Congo (RDC), a vibré ce jeudi 15 mai à l’occasion de la 6e édition du Katanga Business Meeting 2024. Inaugurée par la Première ministre Judith Suminwa, cette plateforme stratégique se positionne comme le laboratoire d’une transition industrielle audacieuse, articulée autour du corridor de Lobito. Avec un thème évocateur – « Bâtir notre futur » –, les discussions ont transcendé les habituels débats sur l’exportation minière pour esquisser les contours d’une révolution économique multidimensionnelle.
Le corridor de Lobito, souvent réduit à sa fonction logistique dans les minerais, s’est révélé sous un jour nouveau lors des échanges. « Cette infrastructure doit devenir le système circulatoire de notre industrialisation », a martelé Costas Musunka, initiateur du KBM. Les projections des experts dessinent un réseau intégrant zones économiques spéciales et hubs technologiques, capable de booster de 15% à 20% le PIB des provinces traversées d’ici 2030.
La question de la souveraineté économique a dominé les interventions. Eric Monga Monga (FEC) a rappelé que « la RDC détient 30% des réserves mondiales de cobalt, mais ne capte que 3% de la valeur ajoutée des batteries électriques ». Un paradoxe que le corridor pourrait résoudre en ancrant localement les chaînes de production. La gouverneure du Lualaba, Fifi Masuka Saïni, a précisé la feuille de route : « Cinq gares industrielles verront le jour le long du tracé, chacune spécialisée dans un maillon de la valeur minière ».
L’analyse prospective révèle des enjeux transversaux. Roxane de Bilderling, ambassadrice de Belgique, a mis en lumière le potentiel agricole négligé : « Avec 80 millions d’hectares de terres arables sous-utilisés, la RDC pourrait nourrir 2 milliards de personnes tout en développant des biocarburants ». Une perspective qui interroge : le corridor deviendra-t-il l’artère vitale d’une économie décarbonée ?
Les engagements concrets se précisent. Le ministère des Mines annonce un investissement minier Congo de 500 millions USD pour moderniser les infrastructures extractives le long du corridor. Parallèlement, la Banque Mondiale étudie un mécanisme de garantie pour attirer 1,2 milliard USD de capitaux privés dans les énergies renouvelables connectées au réseau ferroviaire.
Reste à concilier vitesse et gouvernance. Si les projections économiques enthousiasment – +7% de croissance annuelle dans le Lualaba selon la Banque Centrale –, les modalités opérationnelles suscitent des débats. Comment éviter que ce projet phare ne reproduise les erreurs du passé, où les infrastructures profitaient davantage aux partenaires étrangers qu’à l’économie locale ? La réponse de Fifi Masuka Saïni fuse : « Un comité de supervision tripartite (État, provinces, secteur privé national) contrôlera chaque phase du projet ».
À l’heure où la transition énergétique mondiale accélère, la RDC semble à un tournant. Le corridor de Lobito incarne cette dualité : risque de dépendance accrue aux matières premières ou opportunité historique de diversification ? Les prochains mois seront décisifs pour transformer cette colonne vertébrale logistique en véritable levier de développement économique Lualaba et national.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net