Dans les rues de Kisangani, une lueur d’espoir tente de percer le brouillard des tensions électorales. « Nous en avons assez d’être manipulés par des discours qui divisent nos familles », confie Jean*, jeune étudiant, lors d’un atelier organisé par Congo Peace Network. Comme lui, une centaine de participants – jeunes, victimes de guerre et survivants des violences politiques – se forment depuis mardi 13 mai pour contrer les dangers du discours de haine et de la désinformation.
Cette initiative intervient dans une province marquée par des fractures sociales persistantes. La Tshopo, théâtre de conflits historiques, voit aujourd’hui ses acteurs locaux s’armer d’un nouvel outil : l’éducation à la paix. Héritier Mumbere, chargé de programmes au sein de l’ONG, résume l’enjeu : « Transformons chaque jeune en sentinelle de la cohésion sociale. Savent-ils vraiment si leurs paroles construisent ou détruisent ? » Une question rhétorique qui résonne dans une région où un simple message WhatsApp a déjà enflammé des quartiers entiers.
Les témoignages se multiplient sur les dégâts invisibles. « Lors des dernières élections, de fausses listes de candidats ont circulé sur les réseaux sociaux, provoquant des affrontements entre communautés », raconte une participante, mère de trois enfants. Le programme aborde ces réalités via des études de cas concrets – comme ces rumeurs ayant exacerbé les tensions ethniques à Kisangani en 2018.
L’approche cible spécifiquement la jeunesse, segment crucial dans un pays où 60% de la population a moins de 25 ans. « Nous apprenons à vérifier une information avant de la partager », explique Lucie, 22 ans, déterminée à devenir « ambassadrice de paix » dans son quartier. Une nécessité quand on sait que 7 conflits sur 10 dans la région trouvent leur origine dans des fake news selon une récente étude locale.
Mais comment pérenniser cet élan ? Congo Peace Network mise sur un déploiement en cascade. Après le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, le Maniema et la Tshopo, le projet devrait s’étendre à cinq autres provinces d’ici 2025. Un challenge ambitieux dans un pays où le taux de pénétration internet croît plus vite (42%) que l’éducation aux médias.
Reste une interrogation majeure : ces formations suffiront-elles face à la machine de désinformation souvent pilotée par des acteurs politiques ? Les organisateurs en sont conscients : « Notre arme, c’est le réseau humain. Chaque jeune sensibilisé devient un rempart vivant contre la haine », argue Mumbere. Une stratégie préventive qui contraste avec les méthodes répressives souvent privilégiées par les autorités.
Alors que la RDC s’apprête à vivre une nouvelle séquence électorale décisive, cette initiative dessine les contours d’un nouveau combat pour la paix sociale. Un combat où l’accès à l’information vérifiée pourrait bien devenir le premier droit humain à défendre.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
