Dans un coup de tonnerre politique, le gouvernement congolais a décrété l’interdiction de trois formations politiques majeures, accusées de collusion avec la rébellion du M23. L’annonce, officialisée par le vice-Premier ministre Jacquemain Shabani, plonge le pays dans une tourmente institutionnelle aux relents de guerre froide régionale. Les partis visés – l’UPC/FPLC de Thomas Lubanga, le MLP de Franck Diongo et l’ADCP de Corneille Nangaa – rejoignent ainsi le PPRD de Joseph Kabila dans le pantheon des organisations proscrites pour « connivence avec l’ennemi ».
Le télégramme ministériel, révélé ce jeudi 15 mai 2025, dépeint une stratégie étatique implacable : frapper au cœur les réseaux politico-militaires accusés de servir de courroie de transmission à Kigali. « Quand un parti politique transforme son logiciel militant en manuel de guérilla, il signe son arrêt de mort démocratique », glisse un conseiller présidentiel sous couvert d’anonymat. Une rhétorique qui fait écho aux récentes offensives du M23 dans l’Ituri, théâtre d’une recomposition inquiétante des alliances rebelles.
Thomas Lubanga, figure controversée récemment recyclée en chef de la Convention pour la révolution populaire (CRP), incarne ce glissement vers l’irrédentisme armé. Son retour sur scène, après un passage à la CPI, interroge : simple pantin manipulé par des parrains régionaux ou stratège d’une déstabilisation méthodique ? L’homme défie ouvertement Kinshasa depuis ses bases arrière ougandaises, jouant sur deux tableaux – révolution populaire et business land – dans un cocktail détonnant.
Corneille Nangaa, ancien patron de la CENI, paie cash son virage frondeur. Son ADCP, promu au rang de cheval de Troie du M23 selon les services de sécurité, symbolise les dérives d’une classe politique prête à pactiser avec l’adversaire pour régler ses comptes. Sa transformation en « homme d’affaires de la rébellion » depuis Nairobi illustre les mutations du mercenariat politique en Afrique des Grands Lacs.
Franck Diongo, lui, campe en résistant. Sa charge virulente contre « la dictature Tshilombo » sur X (ex-Twitter) révèle l’acuité des fractures : « Cette interdiction est un aveu de faiblesse. Ils savent que notre projet lumumbiste effraie les accapareurs du pouvoir ». Une rhétorique martiale qui masque mal les zones d’ombre entourant ses fréquentations kigaloises. Le MLP réussira-t-il à préserver son aura populaire malgré l’anathème étatique ?
En toile de fond, la question rwandaise obsède Kinshasa. Chaque mesure prise contre ces partis s’apparente à un tir de semonce contre Paul Kagamé, accusé de jouer aux échecs géopolitiques sur le dos congolais. Mais cette stratégie du tout-répressif ne risque-t-elle pas d’alimenter le ressentiment dans l’Est minier, vivier traditionnel des rébellions ?
Alors que la CIRGL s’enlise dans des sommets stériles, le régime Tshisekedi semble miser sur un jeu dangereux : purger l’échiquier politique interne au risque d’en exiler les pions les plus agités. Une partie d’échecs où chaque coup interdit pourrait engendrer dix nouvelles contestations. La prochaine étape ? Sans doute la Cour constitutionnelle, saisie pour entériner ces dissolutions. Mais dans un pays où la justice souvent suit le pouvoir plutôt qu’elle ne le contraint, ce feuilleton promet plus de tensions que d’apaisements.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
