Au cœur de Ngaliema, un hôpital transformé en champ de ruines. Le Centre hospitalier AKRAM, autrefois havre de soins, étale désormais ses entrailles sous le soleil kinois : lits renversés, microscopes brisés et carnets de santé éparpillés. « Ils ont démoli la maternité alors que des nouveau-nés étaient encore sous monitoring », souffle une sage-femme, les mains tremblantes. Ce chaos illustre le bras de fer entre autorités et habitants dans le cadre des démolitions des constructions anarchiques le long de la rivière Mapenza.
Depuis mardi dernier, les bulldozers de la brigade d’assainissement Ngaliema avancent inexorablement. Objectif affiché : libérer les lits des rivières pour prévenir les inondations. Mais à quel prix ? Le CH AKRAM, qui soignait près de 200 patients quotidiennement, voit sa pédiatrie et sa maternité réduites en gravats. Seuls les bureaux administratifs résistent encore, îlots de béton dans un paysage de désolation.
« C’est un crime contre la santé publique ! », s’indigne un infirmier en ramassant des flacons de médicaments écrasés. La colère gronde parmi le personnel médical, contraint d’improviser des consultations dans la cour. Des scènes similaires se répètent le long de l’avenue Nguma, où des centaines de familles errent parmi les décombres de leurs habitations.
L’Hôtel de ville maintient sa ligne ferme : « Toutes les constructions illégales doivent disparaître ». Un agent municipal justifie : « Les avertissements ont été distribués deux semaines à l’avance ». Pourtant, sur le terrain, les témoignages contredisent cette version. « Aucun délai ne nous a été accordé pour évacuer le matériel médical », proteste un chirurgien du CH AKRAM.
La population, elle, reste divisée. Si certains approuvent ces mesures radicales d’urbanisme à Kinshasa, d’autres dénoncent des méthodes brutales. « Démolir oui, mais pas en piétinant le droit à la santé », argue Marie K., riveraine depuis 15 ans. Cette ambivalence reflète le dilemme congolais : comment concilier sécurité urbaine et protection sociale ?
En toile de fond, la rivière Mapenza charrie désormais plus que des eaux usées. Elle emporte avec elle les espoirs de milliers de Kinois pris en étau entre nécessité d’assainissement et précarité croissante. Les autorités promettent un réaménagement du secteur, mais les premiers concernés restent sceptiques. « Après les décombres, viendront-ils vraiment construire des infrastructures durables ? », s’interroge un ancien habitant du quartier.
Cette crise met en lumière les failles d’une politique urbaine souvent perçue comme punitive plutôt que préventive. Les spécialistes alertent : sans solution alternative de logement et sans plan global d’assainissement à Kinshasa, ces démolitions risquent d’aggraver l’exclusion spatiale. La balle est désormais dans le camp des décideurs : sauront-ils transformer l’urgence opérationnelle en vision à long terme ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net