Dans la province du Nord-Ubangi, un paradoxe économique frappe les opérateurs commerciaux : des centaines de tonnes de biens essentiels – farine, sel, sucre – dorment dans les entrepôts du port de Businga, unique point d’accès fluvial de la région. La cause ? La dégradation alarmante de la RN24, artère vitale de 450 km reliant Businga à Gbadolite, dont l’état catastrophique bloque l’évacuation des marchandises vers l’arrière-pays.
« Notre cauchemar logistique se mesure en nids-de-poule et en ravins », confie un opérateur économique sous couvert d’anonymat. Les données terrain parlent d’elles-mêmes : 72% du trafic commercial provincial transite par cet axe selon les estimations locales. Pourtant, sa portion Businga-Gbadolite n’a connu aucune réhabilitation majeure depuis onze ans, transformant chaque convoi en parcours du combattant.
Les conséquences économiques se chiffrent en millions de dollars perdus. « Le coût du transport a quadruplé en trois ans », révèle un négociant en produits alimentaires. Les camions mettent désormais 48 heures pour parcourir 180 km, contre 6 heures auparavant. Résultat : 40% de surcoût reporté sur les prix de vente finaux, selon une étude récente de la Chambre de commerce régionale.
Cette paralysie infrastructurelle crée un effet domino inquiétant. Les entrepôts portuaires affichent un taux de rotation des stocks inférieur à 15%, contre 65% en 2015. « Nous stockons parfois six mois de réserves dans des conditions précaires », alerte un gestionnaire portuaire. Une situation qui expose les denrées périssables à des risques sanitaires croissants.
Face à cette urgence, les appels à la réhabilitation prennent un ton pressant. « Chaque jour de retard coûte 0,3% au PIB provincial », calcule un économiste local contacté par nos soins. Les solutions ? Priorité à la stabilisation des sols sur 32 km critiques et au reprofilage urgent de 68 ponts fragilisés. Un chantier estimé à 18 millions USD par des experts en génie civil.
Le gouvernement provincial évoque un plan quinquennal d’investissement routier, mais les acteurs terrain réclament des actions immédiates. « Sans intervention d’urgence d’ici la prochaine saison des pluies, nous risquons l’asphyxie totale du trafic », met en garde un représentant syndical. L’enjeu dépasse le cadre économique : cette route constitue le lien vital pour 1,2 million d’habitants répartis dans six territoires.
À l’heure où la RDC mise sur le développement de ses corridors logistiques, la RN24 apparaît comme un test crucial. Sa réhabilitation pourrait booster de 22% les échanges transfrontaliers avec la Centrafrique voisine, selon les projections du ministère du Plan. Mais le compte à rebours est enclenché : chaque mois perdu creuse le déficit commercial et éloigne les investisseurs potentiels.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd