Dans l’ombre du Collège présidentiel de Gbadolite, une tragédie silencieuse se joue depuis huit mois. Les 115 détenus de la prison centrale survivent sans ration alimentaire régulière, entassés dans des cellules où l’air semble se raréfier. « Comment expliquer qu’en 2024, des hommes soient condamnés à une double peine : judiciaire et humanitaire ? », interroge un observateur local sous couvert d’anonymat.
Dido Asanga, directeur de l’établissement, décrit une situation « hors de contrôle » : « Nos appels restent sans réponse depuis octobre dernier. Les fournisseurs refusent toute livraison sans paiement des arriérés. » La dette carcérale s’accumule, creusant un fossé entre l’administration pénitentiaire et les commerçants locaux.
Parmi les détenus, 29 condamnés partagent le même sort que les prévenus. « La faim devient un troisième geôlier », témoigne un proche de détenu joint par téléphone. Les familles tentent de combler le déficit alimentaire, mais la précarité économique de la province du Nord-Ubangi transforme chaque colis en sacrifice.
Cette crise met en lumière un système carcéral congolais à bout de souffle. « Les prisons de Kananga et de Mbuji-Mayi font face à des défis similaires », rappelle un rapport récent de la Commission nationale des droits de l’homme. À Gbadolite, la promiscuité atteint des niveaux critiques dans des infrastructures conçues pour moitié moins de prisonniers.
Les conséquences sanitaires inquiètent les rares ONG présentes dans la région. « Sans nourriture appropriée, les traitements médicaux perdent leur efficacité », alerte un médecin requérant l’anonymat. Le spectre des épidémies plane sur des corps affaiblis par les carences nutritionnelles.
En filigrane de cette urgence humanitaire se pose une question cruciale : quelle réforme pour les prisons congolaises ? Le cas de Gbadolite illustre l’engrenage infernal entre budgets insuffisants, gestion opaque et abandon des droits fondamentaux. « Les détenus restent des citoyens », rappelle Dido Asanga, dont le SOS résonne comme un test pour l’État de droit.
Alors que les autorités provinciales promettent une « solution rapide », les acteurs de la société civile dénoncent un « abandon systémique ». Cette crise alimentaire carcérale interroge la capacité de la RDC à respecter ses engagements internationaux en matière de traitement des détenus. Dans l’attente d’une réponse concrète, chaque jour supplémentaire sans ration creuse un peu plus le fossé entre justice et dignité humaine.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd