Dans la pénombre d’une salle de classe transformée en abri de fortune, Marie*, mère de cinq enfants, serre contre elle un matelas usé, seul vestige de sa vie d’avant. « Les eaux ont tout emporté : nos habits, nos papiers, même les souvenirs », murmure-t-elle, les yeux rivés sur les fissures du plafond. Comme elle, 270 personnes survivent depuis six semaines dans l’école Mbolula de Kasangulu, au Kongo-Central, après que des pluies diluviennes ont englouti leurs maisons dans la nuit du 4 au 5 avril.
Le coordonnateur de la société civile locale, Jacques Khomba, dresse un bilan accablant : « Aucune aide alimentaire, pas de kits d’hygiène, pas même des latrines décentes. Les quelques matelas distribués initialement sont maintenant infestés de punaises. » Une réalité qui interpelle : comment une crise humanitaire d’une telle ampleur peut-elle rester invisible aux yeux des autorités ?
Derrière les chiffres – 87 ménages sinistrés – se cache une tragédie sociale. Les enfants manquent l’école pour aider à la quête quotidienne d’eau potable. Les femmes partagent des cache-sexe faites de sacs de riz vides, tandis que des cas de paludisme et d’infections cutanées se multiplient. « Les députés sont venus une fois avec deux sacs de farine et du sucre. De quoi nourrir combien de personnes, combien de jours ? », s’indigne un leader communautaire sous couvert d’anonymat.
Cette situation met en lumière un schéma récurrent dans la gestion des catastrophes naturelles en RDC. Alors que le pays dispose d’un Fonds national de solidarité depuis 2021, son opérationnalisation sur le terrain reste lettre morte. « Nous avons alerté tous les échelons administratifs », assure Jacques Khomba, avant d’ajouter amèrement : « Même les organisations humanitaires peinent à intervenir sans feuille de route gouvernementale. »
Les sinistrés, eux, développent des stratégies de survie à haut risque. Certains retournent quotidiennement dans leurs parcelles inondées pour tenter de récupérer des matériaux de construction, au péril de leur sécurité. D’autres confient leurs enfants à des familles d’accueil éloignées, fragilisant davantage les liens familiaux.
Cette crise localisée révèle une faille systémique. Avec seulement 3,8% du budget national alloué à la protection sociale selon le dernier rapport de la Banque mondiale, la RDC reste vulnérable aux chocs climatiques. Pourtant, le Kongo-Central – province stratégique connectée à Kinshasa – dispose d’atouts économiques sous-exploités qui pourraient financer des mécanismes de résilience.
Alors que la saison des pluies s’étend jusqu’en mai, une question cruciale se pose : Kasangulu préfigure-t-elle le visage d’une future crise humanitaire à l’échelle nationale ? Pour les familles entassées dans l’école Mbolula, l’urgence est ailleurs : « Nous voulons juste reconstruire nos vies », lance un jeune père de famille, montrant du doigt les tôles tordues de son ancienne maison.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net