Le secteur des hydrocarbures du Nord-Kivu, pilier économique de cette région stratégique, traverse une crise sans précédent. Selon les opérateurs regroupés au sein de l’Association des pétroliers du Nord-Kivu (APENOKI), seize stations-services sur soixante-dix ont déjà fermé à Goma, tandis que d’autres risquent un effondrement en cascade. Une hémorragie directement liée à des dysfonctionnements structurels dans la gestion des flux pétroliers.
Comment en est-on arrivé à une telle situation ? La réponse se niche dans un double enjeu : des pratiques douanières contestées et une gouvernance associative fragilisée. Les pétroliers dénoncent une perception inéquitable des droits de douane, créant un climat de concurrence déloyale. « Certains opérateurs bénéficieraient de passe-droits lors du dédouanement des produits pétroliers en RDC », révèle une source sectorielle sous couvert d’anonymat.
Le cœur du malaise réside dans l’obligation de payer ces droits en dollars américains, alors que les ventes s’effectuent en francs congolais. Une équation impossible en période de tension sur les devises. Résultat : des marges opérationnelles réduites à peau de chagrin. « Nous fonctionnons à perte depuis six mois », confie un gérant de station sous le sceau de la confidentialité.
Face à cette asphyxie financière, les professionnels proposent une solution audacieuse : un forfait douanier de 6 000 USD pour l’essence et 6 250 USD pour le gasoil, avec paiement mixte (60% en devise, 40% en CDF). Une mesure qui pourrait redonner un souffle à ce secteur vital, représentant près de 18% des activités économiques régionales selon les dernières estimations.
Mais le malaise dépasse les simples considérations techniques. La gestion opaque de l’APENOKI cristallise les tensions. Les membres accusent leur président de « dépassement de mandat » après plus de trois ans à la tête de l’association. Les frais de contribution pour le développement de Goma – dont le montant et l’utilisation restent flous – alimentent la défiance. Une véritable bombe à retardement sociale alors que 2 300 emplois directs seraient menacés.
Les conséquences économiques s’annoncent lourdes. La fermeture des pompes à essence pourrait entraîner une flambée des prix des transports et des denrées de première nécessité dans une région déjà vulnérable. « Le Nord-Kivu risque de basculer dans une récession en chaîne si aucune mesure n’est prise d’urgence », alerte un économiste local.
Cette crise met en lumière les failles structurelles du secteur énergétique congolais. Entre opacité gestionnaire et fiscalité inadaptée, les professionnels réclament une refonte complète du cadre réglementaire. L’arbitrage des autorités urbaines et provinciales sera déterminant pour éviter un effondrement sectoriel aux répercussions imprévisibles sur l’économie régionale.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net