Dans la cité de Kotakoli, l’odeur de cendre se mêle encore aux rires hésitants des écoliers. Trois semaines après les affrontements meurtriers entre militaires et civils, la vie tente de reprendre son cours. Mais derrière les étals de marché réinstallés à la hâte et les uniformes scolaires repris des placards, une angoisse sourde persiste. « Nos enfants ont survécu aux balles, mais pourront-ils affronter les salles d’examen ? », interroge une mère devant l’école secondaire endommagée.
Le test national TENASOSP et l’Examen d’État (EXETAT) prévus en juillet 2025 cristallisent toutes les craintes. Egide Kogere, porte-parole de la société civile, alerte : « Comment exiger des frais de participation à des examens nationaux quand des familles ont tout perdu dans les incendies ? ». Les boutiques calcinées le long de l’avenue Mobutu témoignent de l’ampleur des dégâts : 100 habitations détruites, des stocks de médicaments réduits en fumée, l’épargne de toute une communauté envolée.
L’origine du drame plonge ses racines dans un concours de circonstances tragiques. Le 22 avril 2025, deux militaires en recyclage au centre commando trouvent la mort foudroyés. Leur unité, déjà marquée par des revers à Bukavu, bascule alors dans une violence punitive. Pendant 48 heures, Kotakoli vit au rythme des tirs et des pillages. Bilan final : 7 morts, dont 4 civils, et 44 militaires condamnés à des peines allant jusqu’à la peine capitale.
Face à cette situation, les acteurs locaux sonnent l’alarme. « Sans aide urgente, une génération entière risque de sacrifier son avenir », insiste Kogere. La question dépasse la simple logistique scolaire : comment reconstruire quand les blessures psychologiques restent vives ? Les enseignants rapportent des cas d’élèves sursautant au moindre orage, traumatisés par les événements d’avril.
Les autorités provinciales du Nord-Ubangi restent silencieuses sur le dossier des indemnisations. Pendant ce temps, des parents inventent des stratégies de survie pédagogique. « Je vends le peu de manioc épargné par les flammes pour payer les photocopies des cours », confie un père de famille près du marché central. Une course contre la montre se joue dans l’ombre des salles de classe aux murs encore noircis.
Cette crise pose une question fondamentale : jusqu’où les conséquences des violences militaires peuvent-elles entraver le droit à l’éducation ? Alors que le pays prépare les TENASOSP EXETAT 2025, Kotakoli devient le symbole des inégalités accrues par les conflits armés. La société civile plaide pour un report exceptionnel des épreuves ou une prise en charge étatique des frais scolaires. Mais dans les couloirs du pouvoir à Gbadolite, aucun signe concret ne vient encore répondre à ces appels.
L’enjeu dépasse le cadre académique. Il s’agit de reconstruire la confiance entre une population meurtrie et des institutions souvent perçues comme lointaines. Les 44 condamnations prononcées contre les militaires auront-elles un effet dissuasif ? Les familles victimes retrouveront-elles un toit avant la saison des pluies ? Autant de questions qui hantent les nuits des habitants de Kotakoli, entre espoir ténu et mémoire des flammes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd