Lors d’un panel marquant de l’Africa CEO Forum à Abidjan, les présidents Paul Kagame du Rwanda et Cyril Ramaphosa d’Afrique du Sud ont martelé un message commun : l’Afrique doit prendre les rênes de la résolution de ses crises, en particulier celle qui ensanglante l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Une déclaration qui résonne comme un appel à l’autonomie stratégique, tout en ménageant une place aux partenariats extérieurs.
« On ne peut pas dire que nous avons réussi. Tout le monde essaie. Encore une fois, cela revient à nous, vraiment », a lancé Paul Kagame, pointant du doigt la multiplicité des initiatives internationales – qatariennes, américaines – tout en insistant sur la responsabilité continentale. Le dirigeant rwandais a salué les avancées de l’Union africaine ces dix dernières années, notamment dans la mise en place de mécanismes de financement internes pour les opérations de paix. Un pas crucial pour réduire la dépendance aux bailleurs étrangers, selon lui.
Cyril Ramaphosa a abondé dans le même sens, enracinant son discours dans le principe d’appropriation africaine : « Quelle que soit la contribution d’acteurs non africains, en fin de compte, tout doit être endossé, signé et approprié par nous, Africains ». Une référence transparente aux récentes médiations du Qatar ou des États-Unis dans la crise est RDC-Rwanda, que Pretoria et Kigali entendent désormais cadrer strictement.
Un front commun après des mois de tensions
Sur scène, les deux chefs d’État ont soigné leur complicité, étouffant volontairement leurs divergences récentes. « Certains d’entre vous ont peut-être cru qu’il y aurait des étincelles alors que nous sommes assis l’un à côté de l’autre », a ironisé Ramaphosa, rappelant les accrochages diplomatiques de mai dernier. À l’époque, Pretoria accusait ouvertement Kigali de soutenir le M23 en RDC, après la mort de soldats sud-africains dans le cadre de la mission SADC SAMIDRC.
Kagame avait alors rejeté ces allégations, dénonçant « l’implication injuste » du Rwanda. Un contentieux qui plane toujours, mais que les deux présidents ont choisi de mettre en sourdine le temps du forum. Stratégie de communication ou réelle volonté de détente ? Les observateurs notent que cette unité affichée sert surtout à crédibiliser leur plaidoyer pour une résolution africaine des conflits.
L’Union africaine en ligne de mire
Derrière les déclarations de principe se profile un enjeu structurel : la réforme des institutions continentales. Kagame a insisté sur la nécessité pour l’Afrique de « définir la direction qu’elle veut prendre », notamment via le Fonds de paix de l’UA – encore largement sous-financé. Un sujet épineux alors que les missions comme la SAMIDRC peinent à obtenir des budgets pérennes.
Reste que cette rhétorique d’autosuffisance bute sur une réalité implacable : 60% du financement des opérations de paix africaines proviennent encore de partenaires extracontinentaux. « Même si nous sommes capables de faire les choses nous-mêmes, nous devons encore faire appel à des partenaires », concède Kagame, trahissant le paradoxe d’une autonomie en construction.
La balle est désormais dans le camp de l’Union africaine. Sa capacité à arbitrer les tensions Kagame-Ramaphosa tout en mobilisant des ressources propres constituera un test décisif pour la crédibilité de ce nouveau narratif panafricain.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd