Alors que la République Démocratique du Congo retient son souffle devant la Cour constitutionnelle, une bataille institutionnelle secoue l’Assemblée nationale. L’affaire Bukanga-Lonzo, ce serpent de mer judiciaire, rebondit une fois de plus sur la scène politique, révélant les fissures d’un système où immunités parlementaires et stratégies partisanes s’entrechoquent. Le dossier Matata Ponyo, ancien Premier ministre visé par un réquisitoire implacable, devient le catalyseur d’une crise de légitimité au sein de la chambre basse.
La pression monte dans l’hémicycle : le Collectif 50 (C50), désormais soutenu par plus d’un cinquième des députés, exige l’examen urgent d’une résolution visant à protéger les prérogatives des élus. « Les immunités de Matata Ponyo sont mises en mal », tonne Alfred Dibandi Nzondomyo, député du Sud-Ubangi. Son intervention cinglante ce lundi 12 mai, adressée au 1er vice-président Tshilumbayi, sonne comme un rappel à l’ordre : la représentation nationale doit trancher – par vote – sur ce qui relève désormais d’un enjeu de souveraineté parlementaire.
Derrière les joutes procédurières se profile une question cruciale : l’Assemblée nationale peut-elle rester spectatrice alors que la Cour constitutionnelle accélère son calendrier judiciaire ? Christian Mwando Nsimba, élu du Tanganyika, dénonce avec virulence « la confusion entre démarches personnelles du président Kamerhe et position institutionnelle ». Sa mise en garde fuse, teintée d’ironie mordante : « Si demain nous sommes surpris par une décision défavorable, devrons-nous déchoir le président de l’Assemblée ? » Une interrogation rhétorique qui souligne l’absurdité d’une stratégie fondée sur des pourparlers informels plutôt que sur un vote solennel.
Le cœur du débat dépasse la simple défense des immunités. Il s’agit d’un test décisif pour la majorité présidentielle, tiraillée entre allégeances partisanes et indépendance du législatif. Le réquisitoire du parquet constitutionnel – 10 ans de travaux forcés et d’inéligibilité pour Matata Ponyo – plane comme une épée de Damoclès sur l’équilibre des pouvoirs. La décision de juger les prévenus par défaut, après leur refus de comparaître, ajoute une dimension polémique à ce feuilleton judiciaire aux allures de règlement de comptes.
En filigrane, c’est l’ombre du projet Bukanga-Lonzo qui continue de hanter la gouvernance congolaise. Ce « méga-échec » agro-industriel, devenu symbole de gabegie financière, révèle la porosité entre sphère politique et gestion économique. Les 5 ans d’inéligibilité requis contre Déogratias Mutombo Mwana Nyembo, ancien gouverneur de la Banque centrale, rappellent que le dossier embrasse un système bien plus large qu’un seul homme.
La balle est désormais dans le camp du bureau de l’Assemblée nationale. Saura-t-il transformer l’essai démocratique en alignant la résolution à l’ordre du jour ? Ou persistera-t-il dans une inertie perçue comme mépris envers « 1/10e des élus », selon les termes de Mwando Nsimba ? L’enjeu dépasse le cas Matata : il y va de la crédibilité d’une institution déjà malmenée par les luttes d’influence. À moins d’un sursaut rapide, la Cour constitutionnelle pourrait bien écrire l’histoire sans consulter les représentants du peuple.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd