Dans un contexte marqué par des défis sécuritaires et économiques persistants, le président Félix Tshisekedi a annoncé la reprise de ses missions d’itinérance à travers plusieurs provinces de la République Démocratique du Congo. Une décision présentée comme un «retour aux sources» pour un chef de l’État déterminé à incarner une proximité parfois mise à mal par les réalités du pouvoir. Mais cette nouvelle tournée, ciblant le Lualaba, le Kongo Central, le Grand Bandundu et le Grand Équateur, soulève des questions sur sa portée réelle dans un pays où les promesses peinent souvent à se concrétiser.
«Ces visites constituent une occasion privilégiée d’écouter nos populations», a déclaré le président lors du dernier conseil des ministres, reprenant un leitmotiv usité depuis le début de son mandat. Un discours rodé qui contraste avec les constats accablants rapportés par le compte-rendu officiel : sécurité précaire, frontières poreuses, effectifs squelettiques des forces de l’ordre… Autant de maux persistants malgré les précédentes tournées provinciales.
L’exécutif semble pourtant vouloir jouer la carte de l’urgence. Le taux d’avancement «en deçà des attentes» du programme de développement local des 145 territoires sonne comme un aveu d’échec à demi-mot. Comment expliquer cette lenteur alors que le projet figurait en lettres dorées dans la feuille de route présidentielle ? Les infrastructures socio-économiques – routes, écoles ou hôpitaux – restent toujours au stade de vœux pieux dans de nombreuses régions. Une réalité qui donne soudain un relief particulier à l’annonce de «mesures urgentes» brandie comme un talisman.
Sur le front constitutionnel, le chef de l’État persiste et signe. Sa croisade contre la loi fondamentale de 2006, qualifiée d’«œuvre occidentale», prend des allures de combat existentiel. La création imminente d’une commission pluridisciplinaire pour étudier sa révision relance les spéculations : simple manœuvre dilatoire ou prélude à un bouleversement institutionnel ? Dans les couloirs de Kinshasa, certains s’interrogent sur le timing de cette initiative, qui coïncide étrangement avec les préparatifs électoraux à venir.
Reste que cette nouvelle phase d’itinérance présidentielle pourrait bien constituer un tournant critique. Entre les attentes d’une population impatiente et les calculs d’une classe politique en ébullition, Félix Tshisekedi marche sur une corde raide. Son aptitude à transformer les diagnostics posés en solutions tangibles sera scrutée à la loupe. Car derrière les annonces enflammées sur les centrales hydroélectriques et les usines à construire se profile un défi de taille : redonner crédibilité à une action publique souvent perçue comme désincarnée.
Les prochains mois s’annoncent décisifs. Alors que la révision constitutionnelle agite déjà les cercles juridiques, la réussite des projets d’infrastructures urgents dans les provinces visitées pourrait servir de test décisif pour l’administration Tshisekedi. Un échec ici risquerait d’alimenter le scepticisme croissant envers les discours de rupture. À l’inverse, des réalisations concrètes offriraient au pouvoir un capital politique précieux dans la perspective des échéances à venir. L’équation est complexe, mais le temps presse : dans les profondeurs du «Congo profond», l’horloge des aspirations populaires tourne plus vite que celle des palais présidentiels.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
