Le gouvernement congolais a opéré un virage stratégique dans sa politique énergétique ce 10 mai 2025 en relançant officiellement les travaux de la centrale hydroélectrique de Grand Katende, un projet suspendu depuis neuf ans. Pilotée par la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, cette initiative symbolise l’ambition du président Félix Tshisekedi de doter la RDC d’infrastructures durables, malgré un contexte sécuritaire volatile.
Financé via un partenariat public-privé entre l’État congolais et les entreprises Angelique International Limited (AIL) et Mining Engineering Services (MES), le projet s’articule en trois phases clés. La première étape, d’une capacité de 16 mégawatts, alimentera prioritairement Kananga et Bukonde. Suivront deux extensions portant la puissance totale à 64 mégawatts, avec un réseau de distribution couvrant le Kasaï Central, le Kasaï-Oriental et Tshimbulu. Un investissement technique et financier qui promet d’électrifier 50 000 foyers d’ici 2028.
« Cette relance incarne le Pilier 4 de notre programme gouvernemental : l’accès aux services de base comme levier de justice sociale », a souligné le ministre des Finances Doudou Fwamba lors de la cérémonie à Kinshasa. Un discours corroboré par des chiffres : le secteur énergétique congolais, bien que disposant d’un potentiel hydroélectrique estimé à 100 000 MW, ne fournit aujourd’hui que 19% de la population en électricité.
Mais comment ce projet structurant se distingue-t-il dans le paysage économique national ? D’abord par son modèle de gouvernance inédit : un comité de pilotage interministériel, une agence fiduciaire (CFEF) pour le décaissement des fonds, et un dispositif technique supervisé par des experts indépendants. Ensuite, par ses retombées transversales : réduction des coûts logistiques pour les industries minières, création d’emplois locaux, et amélioration des indicateurs sociaux dans une région où seulement 8% des ménages ont accès au réseau national.
Pourtant, l’ombre des défis plane. Le Kasaï Central devra absorber une augmentation soudaine de 300% de sa capacité énergétique actuelle. « Cela nécessitera un accompagnement technique des communautés et des PME pour optimiser l’usage de cette énergie », met en garde un expert énergétique sous couvert d’anonymat. Autre écueil : les délais. Si le site a déjà commencé sa mue avec l’acheminement des équipements, les 64 MW finaux ne seront opérationnels qu’après 2030.
Dans un pays où seulement 52% du budget d’investissement public est effectivement exécuté (selon la Banque mondiale), la réussite de Grand Katende dépendra de la rigueur dans la gestion des 287 millions USD engagés. Un test crucial pour la crédibilité du gouvernement, alors que les bailleurs internationaux observent cette relance énergétique comme un marqueur de la maturité économique congolaise.
Au-delà des mégawatts, ce projet cristallise un enjeu géopolitique : rééquilibrer le développement vers le centre du pays, traditionnellement moins doté que le Katanga minier. Une manière de traduire en actes la promesse du chef de l’État : faire de l’énergie un bien commun plutôt qu’un privilège régional.
Article Ecrit par Amissi G
Source: mediacongo.net
