Dans un contexte de négociations paix RDC-Rwanda sous médiation américaine, le dernier rapport de Human Rights Watch (HRW) jette une lumière crue sur l’épineuse question de l’impunité des crimes guerre dans l’Est de la République démocratique du Congo. L’ONG internationale souligne que les pourparlers, bien que nécessaires, éludent un enjeu central : l’obligation de rendre des comptes pour les atrocités commises depuis des décennies dans cette région des Grands Lacs.
« Les dynamiques actuelles reproduisent les erreurs du passé », déplore HRW dans son analyse publiée ce week-end. Le document relève que les États-Unis, tout en facilitant un accord sur l’exploitation des minerais RDC, omettent d’exiger des garanties judiciaires contre les commanditaires de violences. Une lacune d’autant plus troublante que Washington prévoit d’accompagner toute trêve d’un volet économique permettant à ses entreprises d’investir dans le secteur minier congolais.
Le conseiller spécial de la Maison Blanche pour l’Afrique, Massad Boulos, a confirmé cette approche duale lors d’une récente déclaration. Mais comment concilier exploitation des ressources et respect des droits humains ? HRW rappelle que 72% des violations documentées dans les zones minières entre 2020 et 2023 impliquaient des groupes armés soutenus par des puissances régionales. Des données qui interrogent la viabilité d’un pacte ignorant les racines criminelles des conflits.
La Commission africaine des droits de l’homme à Banjul a servi de cadre à de vives passes d’armes diplomatiques. Le vice-ministre congolais Samuel Mbemba y a dénoncé « une escalade rwandaise inédite » malgré le processus de paix, citant l’attaque de Lunyasenga par le M23 le 9 mai dernier. Preuve selon lui que Kigali « instrumentalise les groupes rebelles pour saper toute avancée politique ».
Pourtant, les éléments recueillis par les enquêteurs de HRW dressent un tableau plus complexe. Si les FARDC (Forces armées de la RDC) ont réduit leur collaboration ouverte avec des milices locales depuis 2023, certaines unités continueraient de fournir un appui logistique à des factions Maï-Maï. De l’autre côté de la frontière, le Rwanda dément toute implication actuelle dans le soutien au M23, tout en refusant toute coopération avec la Cour pénale internationale.
Cette omerta régionale trouve son paroxysme dans les statistiques judiciaires : aucun procès pour crimes contre l’humanité n’a été enregistré dans les juridictions congolaises ou rwandaises depuis le début des négociations. « L’absence de mécanisme contraignant permet aux sponsors des violences de rester dans l’ombre », analyse un procureur sous couvert d’anonymat. Une réalité qui hypothèque l’issue des pourparlers, selon les experts.
Alors que les bailleurs internationaux planchent sur des protocoles de traçabilité des minerais, la société civile congolaise s’impatiente. « Vaut-il mieux un cessez-le-feu immédiat sans justice ou une paix durable bâtie sur les droits des victimes ? », interroge une coalition d’associations locales dans un communiqué récent. Une question rhétorique qui résume le dilemme des négociations paix RDC-Rwanda.
Les prochaines semaines s’annoncent décisives avec l’arrivée prévue d’une délégation américaine à Kinshasa. Selon nos sources, l’agenda inclurait un volet « justice transitionnelle » jusqu’ici absent des discussions. Reste à savoir si ce dernier-minute additionnel pourra combler le vide dénoncé par HRW – ou s’il ne s’agira que d’un ajustement cosmétique face aux pressions internationales.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: mediacongo.net