Un nouvel acte dans la chronique des déchirements UDPS
La convocation lancée ce week-end par Augustin Kabuya pour une réunion stratégique à l’Hôtel Kempinski Fleuve Congo ressemble à un coup de théâtre dans l’interminable feuilleton des luttes intestines au sein de l’UDPS/Tshisekedi. En se présentant comme Secrétaire Général en exercice, le destitué du 11 août 2024 défie ouvertement la Convention Démocratique du Parti (CDP) qui l’avait évincé au profit de Déogratias Bizibu. Une provocation institutionnalisée qui expose au grand jour les fissures d’un parti-clé de la majorité présidentielle.
Le bras de fer juridico-politique
La réplique de l’exécutif du parti ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué cinglant, les partisans de Bizibu rappellent le caractère « illégal » de cette convocation, invoquant l’article des statuts prévoyant un directoire tripartite en cas de vacance présidentielle. La menace de poursuites disciplinaires pour « usurpation des pouvoirs » ajoute une dimension judiciaire à ce conflit de légitimité. Kabuya, en persistant, joue une partie risquée : son meeting pourrait bien se transformer en tribunal populaire où se jugeront les équilibres internes du parti.
Les fantômes du Palais du Peuple
Cette escalade verbale réveille le spectre des violences du 6 août 2024, quand des militants rivaux s’étaient affrontés à coups de chaises dans l’enceinte parlementaire. L’épisode, survenu lors du dépôt de candidature d’Idriss Mangala au Sénat, avait révélé l’ampleur des rancœurs accumulées. Les appels au calme d’Eteni Longondo et les commissions de médiation semblent aujourd’hui aussi efficaces qu’un cautère sur une jambe de bois. La question se pose : l’UDPS peut-il encore servir de colonne vertébrale à la majorité présidentielle alors que ses propres fractures menacent de le paralyser ?
La stratégie de l’étau
En convoquant les députés de la « mosaïque UDPS », Kabuya mise sur un effet d’entraînement parlementaire. Une manœuvre qui rappelle étrangement les méthodes de son mentor, Étienne Tshisekedi, dont le fils – le président Félix – observe ce chaos d’un œil apparemment serein. Depuis Bruxelles en 2024, le chef de l’État avait qualifié ces tensions de « signe de vitalité démocratique ». Un an plus tard, le bilan de cette prétendue fécondité conflictuelle s’apparente plutôt à une stérilisation progressive de l’appareil partisan.
L’enjeu caché : la succession de 2028
Derrière ces luttes d’appareil pointe l’épineuse question de la transmission du pouvoir au sein du parti historique. La destitution de Kabuya et la montée en puissance de Bizibu dessinent les prémisses d’une recomposition des lignes de force à cinq ans de la prochaine présidentielle. En s’accrochant à son titre, Kabuya tente peut-être de préserver son influence sur le vivier parlementaire, atout maître dans la course à la direction du parti. Mais jusqu’à quand la base militante acceptera-t-elle ces guerres de palais qui éloignent le parti de sa vocation populaire ?
La bombe à retardement institutionnelle
Ce nouvel épisode crise pose une question redoutable : l’UDPS peut-il survivre à sa propre implosion ? En fragilisant le principal parti de la majorité, ces déchirements risquent de répercuter leurs ondes de choc jusqu’à l’Assemblée nationale. La crédibilité du gouvernement de Vital Kamerhe, déjà mise à mal par les défis sécuritaires et économiques, pourrait payer le prix de ces divisions. Le président Tshisekedi, qui avait fait de l’unité partisan un argument de campagne, voit aujourd’hui son héritage politique se jouer dans les couloirs feutrés d’un hôtel de luxe kinois.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd