La récente déclaration des principes entre Kinshasa et Kigali, signée sous médiation américaine, continue de susciter des remous au sein de la société civile et de la classe politique congolaise. Alors que le texte prône une intégration économique régionale, l’ONG Human Rights Watch (HRW) tire la sonnette d’alarme : les conflits liés aux ressources naturelles dans l’Est de la RDC risquent d’aggraver les violations des droits humains, en l’absence de mécanismes de responsabilisation clairs.
« La question de savoir qui est responsable des exactions commises en RD Congo et comment en répondre n’a pas été abordée jusqu’à présent dans les négociations de paix », déplore Clémentine de Montjoye, chercheuse à HRW.
Un silence lourd de conséquences, selon l’organisation, qui souligne le lien intrinsèque entre exploitation minière, corruption et violences armées. La déclaration, articulée autour de six engagements dont un accord de paix à élaborer, passerait-elle à côté de l’essentiel ?
Du côté de l’opposition, Martin Fayulu, leader de la coalition LAMUKA, fustige une « précipitation » de Kinshasa. Devant ses partisans de l’ECIDé à Paris, il a dénoncé des « principes déséquilibrés », voyant dans l’intégration économique régionale avec le Rwanda une tentative déguisée de « cogestion des ressources congolaises ». Un rejet catégorique qui repose une question cruciale : comment concilier coopération transfrontalière et préservation de la souveraineté nationale ?
Le Cadre de concertation des forces politiques et sociales, bien que favorable au dialogue, rejoint ces réserves. Il dénonce une approche « trop rapide » des négociations, rappelant que Kigali est régulièrement accusé de déstabiliser l’Est congolais. Un paradoxe qui n’échappe pas aux observateurs : comment un accord censé apaiser les tensions peut-il prospérer sans traiter les griefs historiques ?
HRW enfonce le clou dans son analyse. L’ONG relève que la déclaration ignore l’« incapacité historique des autorités régionales à punir les responsables d’atrocités », un vide juridique qui perpétue l’impunité. Clémentine de Montjoye lance un avertissement sans détour : « Si ces engagements sont sincères, ils pourraient marquer une étape importante. Mais les États qui soutiennent des groupes armés responsables d’exactions facilitent eux-mêmes des crimes de guerre. »
La balle est désormais dans le camp des signataires. Les six engagements – dont la reconnaissance mutuelle de la souveraineté et le soutien à la MONUSCO – parviendront-ils à sortir de l’ornière des promesses non tenues ? Tout dépendra de la volonté politique réelle à Kinshasa et Kigali, estiment les analystes. Mais une chose est sûre : sans justice pour les victimes des violations des droits humains, toute avancée restera fragile.
Alors que la RDC entre dans une phase électorale clé, ce dossier épineux pourrait bien devenir un marqueur décisif de crédibilité pour le pouvoir en place. Entre realpolitik et exigences éthiques, le chemin vers une paix durable dans la région des Grands Lacs semble encore semé d’embûches.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd