Cent jours après son installation à Beni, siège provisoire du pouvoir provincial, le général Evariste Kakule Somo a dévoilé un bilan qui oscille entre démonstration de force institutionnelle et zones d’ombre stratégiques. Porté par sa porte-parole Prisca Kamala Luanda, ce premier acte comptable cherche à marquer les esprits, mais soulève autant de questions qu’il prétend y répondre.
Infrastructures et diplomatie : une vitrine à double fond
La réhabilitation des axes routiers dans les territoires de Beni, Lubero et Walikale s’affiche comme le fer de lance d’une gouvernance proactive. Ces chantiers, présentés comme preuve d’un « engagement sans faille », peinent cependant à masquer l’absence de bilan détaillé sur leur avancement réel. Le gouvernement provincial met en avant sa « coopération internationale renouvelée », évoquant pêle-mêle visites diplomatiques et rapprochement avec la MONUSCO. Mais à quel prix cette ouverture se négocie-t-elle ? Les silences entourant les contreparties exigées par les partenaires étrangers laissent planer un doute sur l’équilibre de ces alliances.
Sécurité Nord-Kivu : entre équipements neufs et vieux démons
La remise de douze kits internet aux FARDC à Walikale et la réouverture du centre d’instruction de Nyaleke illustrent une volonté d’ancrer la modernité dans les stratégies sécuritaires. Pourtant, ces annonces tombent alors que persiste l’incapacité à endiguer l’activisme des groupes armés locaux. La prise en charge alimentaire des Wazalendo, présentée comme une avancée, ne résout pas le problème de leur intégration dans un dispositif sécuritaire unifié. « C’est un colmatage, pas une stratégie », murmure-t-on dans les couloirs de la société civile.
La société civile congolaise : garde-fou ou cassandre ?
Junior Mbakulirahi, président intérimaire de la coordination urbaine de la Société civile, reconnaît des « efforts remarquables » tout en pointant « l’écart entre les annonces et le vécu des populations ». Ce double langage résume le dilemme du pouvoir provincial : comment concilier communication triomphaliste et attentes sociales brûlantes ? Le retour des déplacés, enjeu crucial pour la stabilité régionale, reste conditionné à une sécurisation des zones rurales qui tarde à se concrétiser.
Gouvernement central : l’argent absent des miracles
Le plus audacieux dans ce bilan provincial tient peut-être à son financement. « Toutes ces actions ont été menées sans rétrocession du pouvoir central », clame Mme Kamala. Aveu d’autonomie ou constat d’abandon ? Cette déclaration sonne comme un camouflet à Kinshasa, révélant au passage les tensions latentes dans la gestion des crises périphériques. Un jeu dangereux où le gouverneur Kakule Somo se pose en gestionnaire efficace face à un État central défaillant.
Reste que l’avenir immédiat du Nord-Kivu se jouera sur sa capacité à transformer ces premiers gestes en politique durable. La réhabilitation des infrastructures à Beni ne vaudra que si elle s’accompagne d’une refonte du tissu économique local. Les prochains mois diront si ce bilan à 100 jours n’était qu’un feu de paille ou l’amorce d’une véritable refondation.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net