Une étoile s’éteint dans le firmament de l’art contemporain
Dans la pénombre d’un samedi matin, le monde culturel a vacillé. Koyo Kouoh, architecte visionnaire de l’art panafricain et première commissaire africaine de la Biennale de Venise, a brusquement quitté la scène ce 10 mai. Comme un tableau inachevé, son départ laisse en suspens les promesses de la Biennale 2026, dont elle devait dévoiler le thème dans dix jours. Le Zeitz MOCAA, ce géant sud-africain de l’art contemporain qu’elle dirigeait depuis cinq ans, a annoncé la nouvelle d’une voix tremblante sur les réseaux sociaux : « Notre boussole s’est éteinte ».
Entre Dakar et Le Cap, une trajectoire fulgurante
Née en 1967 au Cameroun, transplantée en Suisse à l’adolescence, Koyo Kouoh a toujours navigué entre les continents. Mais c’est à Dakar, dans le bouillonnement culturel des années 90, que s’est forgé son destin. Qui aurait cru que la diplômée en finance allait devenir le fer de lance de l’art contemporain africain ? Sa Raw Material Company, ouverte en 2011, fut bien plus qu’un centre d’art : un laboratoire où s’inventait une nouvelle grammaire esthétique, mêlant héritage ancestral et critique sociale.
La Biennale de Venise orpheline
« Son décès laisse un vide immense », déplore la Biennale dans un communiqué endeuillé. Le monde de l’art retient son souffle : comment remplacer celle qui devait réécrire les règles du plus prestigieux événement artistique mondial ? En décembre 2024, lors de sa nomination historique, elle confiait à RFI : « L’Afrique n’est plus un décor, mais le cœur battant de la création ». Cette voix qui devait résonner dans les palais vénitiens en 2026 s’est tue trop tôt.
L’héritage d’une passeuse de frontières
De la Dokumenta de Kassel aux Rencontres de Bamako, Koyo Kouoh a toujours défendu un art-monde, déjouant les frontières géographiques et mentales. Sous sa direction, le Zeitz MOCAA est devenu ce « phare irradiant l’Afrique vers le reste du globe », selon les mots d’un collaborateur. Mais derrière l’icône institutionnelle persistait la militante : « Equilibrer le récit sur le continent n’est pas un choix, c’est une nécessité vitale », répétait-elle.
Qui prendra le flambeau ?
Alors que les hommages affluent de Londres à Johannesburg, une question bruisse dans les milieux artistiques : son projet pour Venise 2026 reposera-t-il intact dans quelque tiroir ? Le thème qu’elle s’apprêtait à dévoiler devait-il être maintenu comme testament ? Ce samedi 10 mai, ce n’est pas seulement une femme qui s’en est allée, mais une certaine idée de l’art comme acte politique. Dans le ciel de l’art contemporain africain, une constellation vient de perdre son étoile polaire.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: mediacongo.net