Dans une atmosphère électrique où les applaudissements se mêlaient aux éclats de rires adolescents, le Centre culturel et artistique pour les pays de l’Afrique centrale a livré son dernier acte samedi 10 mai. La 39e édition des Journées congolaises de théâtre pour et par l’enfance et la jeunesse (JOUCOTEJ) s’est achevée en apothéose, laissant dans son sillage des questionnements vibrants sur l’égalité des sexes en République Démocratique du Congo.
Pendant cinq jours, Kinshasa s’est transformée en laboratoire vivant d’utopies sociales. Sous la direction de la Compagnie théâtre des Intrigants, des milliers de jeunes ont investi les planches comme autant de tribunes militantes. Quel rôle peut jouer le théâtre dans la transformation des mentalités ? Les saynètes ciselées, oscillant entre farces satiriques et drames poignants, apportaient une réponse en mouvement : l’art dramatique comme miroir grossissant des inégalités, mais aussi comme espace de réinvention du possible.
Valentin Mitendo Mwadi Yinda, directeur artistique des Intrigants, confie avec une fierté contenue : « Nos jeunes comédiens ont démontré que la scène peut être un champ de bataille pacifique. Quand une fillette de 12 ans interprète avec une gravité troublante le rôle d’une cheffe de famille bafouée, c’est toute une génération qui s’empare du débat ». Du siège des Intrigants à N’djili aux écoles partenaires, l’événement a essaimé ses questionnements comme autant de graines semées à la volée.
Avec sept mille enfants mobilisés et des troupes venues de Matadi à Lubumbashi, le festival JOUCOTEJ 2025 dépasse largement le cadre d’une simple manifestation culturelle. Les ateliers d’écriture improvisés dans les cours de récréation, les débats post-représentations où adolescents et professionnels confrontaient leurs visions : autant de signes d’un théâtre qui se veut laboratoire social. La métaphore des masques traditionnels revisitée pour explorer les assignations de genre résume à elle seule l’ambition de cette édition : déconstruire pour mieux recomposer.
Alors que les lumières se sont éteintes sur cette édition engagée, reste une interrogation en suspens : comment pérenniser l’élan né de ces journées ? Pour les organisateurs, la réponse se niche dans les valises pédagogiques laissées dans les écoles participantes. Des textes, des exercices pratiques, mais surtout cette conviction chevillée au corps : le théâtre comme école de citoyenneté. Une chose est sûre – à Kinshasa comme à Kikwit, le rideau ne tombe jamais vraiment sur les idées nées en scène.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net