Dans un dispensaire surpeuplé de Goma, au Nord-Kivu, Marie, mère de trois enfants, attend depuis six heures une dose de sérum contre le choléra. « Deux de mes voisins sont morts cette semaine. On nous dit que les médicaments manquent, mais comment survivre sans aide ? » Sa voix tremble, mirage d’une crise humanitaire en RDC qui s’enfonce dans l’oubli international.
La communauté humanitaire vient pourtant de lancer un cri d’alarme : le plan de réponse 2024, censé secourir 11 millions de Congolais avec un budget de 2,5 milliards de dollars, n’a reçu que 233 millions à ce jour. Un chiffre qui fait froid dans le dos – la moitié des fonds collectés à la même période en 2023, selon Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU. Pendant ce temps, l’Est du pays brule sous les conflits armés, et le choléra dévore six provinces.
Urgence santé RDC : le compte à rebours est enclenché. Avec 18 000 cas et 364 morts officiellement recensés depuis janvier, l’épidémie expose une réalité crue : les centres de traitement manquent de kits de réhydratation, les forages d’eau potable restent des chimères dans les quartiers précaires, et les équipes médicales se battent sans gants ni masques. « Comment expliquer qu’en 2024, des enfants meurent encore d’une maladie que le monde sait soigner depuis des décennies ? », s’indigne un médecin sous couvert d’anonymat.
Derrière ces drames individuels se profile un effondrement systémique. OCHA RDC tire la sonnette d’alarme : « Sans financement urgent, nous devrons choisir entre nourrir les déplacés ou soigner les malades ». Le dilemme est déjà une pratique quotidienne. Sur les 6,8 millions de personnes ciblées par l’aide prioritaire, seuls 15% reçoivent une assistance minimale. Les autres ? Elles errent entre les camps informels et les ruines des écoles transformées en abris de fortune.
La crise humanitaire en RDC atteint pourtant un seuil critique. Le gouvernement vient de déclencher l’alerte maximale sur le choléra, mais les partenaires internationaux tardent à répondre. « Les bailleurs se concentrent sur d’autres crises globales », déplore un cadre d’OCHA. Résultat : les travailleurs humanitaires congolais risquent leur vie dans l’Est sans équipements de protection, pendant que les cliniques mobiles réduisent leurs tournées faute de carburant.
Financement ONU RDC : le grand paradoxe. Alors que les besoins augmentent de 40% cette année à cause de l’escalade des violences, les contributions chutent de 50%. Un paradoxe qui interroge : la communauté internationale aurait-elle décidé de sacrifier la RDC sur l’autel des priorités géopolitiques ? Les chiffres donnent raison aux plus cyniques : le plan révisé (1,25 milliard $) couvre à peine les besoins vitaux – eau, nourriture, abris – mais reste ignoré des capitales étrangères.
Pendant ce temps, à Kinshasa, les appels se multiplient pour un sursaut. « Chaque jour sans financement, ce sont des centaines de vies qui basculent », insiste le ministre de la Santé. Son plaidoyer choc : renforcer la surveillance épidémiologique, réhabiliter 200 points d’eau d’urgence, distribuer 500 000 kits hygiène. Des mesures qui restent lettre morte sans l’appui des donateurs.
La question brûle les lèvres : jusqu’où devra sombrer la RDC pour réveiller la solidarité internationale ? Dans les couloirs des Nations Unies, on murmure que ce déficit de financement pourrait anéantir des années de progrès contre la pauvreté. Sur le terrain, Marie, elle, n’a pas le luxe d’attendre les discours : demain, elle retournera puiser l’eau du fleuve, au mépris du danger choléra. Son ultime recours contre une mort certaine.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
