La crise latente à l’aéroport international de Bangboka à Kisangani prend une tournure inquiétante, alors que le syndicat de la Régie des voies aériennes (RVA) implore l’intervention du vice-Premier ministre Jean-Pierre Bemba. Les tensions entre la RVA et METELSAT, cristallisées autour de questions de gouvernance et de souveraineté financière, menacent désormais la stabilité opérationnelle de ce hub aérien stratégique de la Tshopo. Une situation explosive, où les revendications syndicales se heurtent aux ambiguïtés administratives, révélant les fissures d’un système en quête de réformes.
Depuis des mois, le bâtiment administratif de la RVA abrite une cohabitation forcée avec METELSAT, qualifiée par les agents de « colonisation institutionnelle ». Les altercations physiques et les accusations de détournement de taxes ont conduit à un climat délétère. « METELSAT doit quitter nos locaux. Nous ne céderons pas un centime de nos redevances », martèle Mulongo Kazadi, porte-voix syndical. Une position intraitable qui interroge : jusqu’où ira la surenchère dans ce duel d’ego bureaucratique ?
La demande officielle d’arbitrage ministériel souligne l’échec des mécanismes de médiation locaux. Jean-Pierre Bemba, ministre des Transports, se retrouve dans le rôle de l’arbitre incontournable. Mais son silence actuel alimente les spéculations. Certains observateurs y voient un test décisif pour son leadership, dans une région où sa légitimité politique reste scrutée. « Le ministre doit trancher : préservera-t-il l’autonomie de la RVA ou cédera-t-il aux pressions ? », s’interroge un expert en gouvernance aéroportuaire sous couvert d’anonymat.
Derrière les conflits de territoires se profile un enjeu plus crucial : la maîtrise des flux financiers générés par l’aéroport. Avec ses 15 millions de dollars de recettes annuelles selon des sources internes, Bangboka représente un pactole convoité. Les craintes de « braderie » exprimées par le syndicat renvoient aux vieux démons de la gestion opaque des biens publics. Une rhétorique qui trouve écho dans un contexte national marqué par les audits controversés des entreprises étatiques.
La balle est désormais dans le camp du gouvernement. L’inaction risquerait de transformer Kisangani en épicentre d’une crise sectorielle plus large, avec des répercussions sur la sécurité aérienne et l’attractivité économique régionale. Pour Jean-Pierre Bemba, dont l’ambition présidentielle est un secret de Polichinelle, ce dossier constitue une double opportunité : affirmer son autorité ministérielle tout en consolidant son ancrage dans le grand Nord. Mais gare aux calculs politiques trop apparents – la crédibilité des institutions aériennes congolaises en dépend.
Alors que Kinshasa affiche sa volonté de moderniser les infrastructures de transport, le cas kisanganais apparaît comme un révélateur des défis structurels. La résolution de ce conflit local pourrait inspirer les futures réformes du secteur. Reste à savoir si les acteurs concernés privilégieront l’intérêt général aux logiques de pouvoir. L’heure n’est plus aux déclarations d’intention, mais à l’action concertée. Le prochain conseil des ministres des Transports s’annonce décisif.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net