« Quand vous entendez des explosions toute la nuit et que vous devez fuir avec vos enfants sans savoir où dormir, c’est une souffrance qui dépasse les mots », témoigne Kahindo, mère de quatre enfants, rencontrée dans un camp de déplacés près de Goma. Son récit résume le quotidien de milliers de Congolais pris en étau par les conflits récurrents dans l’Est de la RDC. Une réalité qui a dominé les discussions lors de la visite de Mirjana Spoljaric, présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), en République démocratique du Congo.
Au cœur des échanges avec les autorités congolaises, dont la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, une question brûlante : comment protéger les civils dans une région où les violences armées ravivent sans cesse le cycle de la détresse humaine ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon le CICR, plus de 5 millions de personnes sont déplacées internes dans l’Est du pays, un drame humanitaire qui exige des réponses urgentes.
Mirjana Spoljaric a insisté sur la nécessité de « renforcer les mécanismes de protection des populations vulnérables », soulignant l’opération d’évacuation récente de centaines de forces de sécurité et leurs familles entre Goma et Kinshasa. Une initiative saluée, mais qui soulève des interrogations : jusqu’où peut s’étendre l’action humanitaire face à l’enracinement des conflits ? Comment garantir l’accès aux soins médicaux quand les centres de santé sont régulièrement pris pour cible ?
Le CICR, présent en RDC depuis 45 ans, fait face à un défi titanesque. Entre la réunification des familles séparées par les combats, le soutien aux survivants de violences sexuelles et la promotion du droit international humanitaire, l’organisation navigue dans un contexte où les besoins dépassent souvent les moyens disponibles. La visite de sa présidente au Rwanda avant son arrivée en RDC souligne d’ailleurs l’importance d’une approche régionale pour les crises des Grands Lacs.
Mais derrière les discours diplomatiques et les engagements renouvelés, une autre réalité persiste. Dans les villages du Nord-Kivu, les habitants dénoncent l’absence persistante de l’État. « On se sent abandonnés à notre sort », confie un chef local sous couvert d’anonymat. Cette fracture entre Kinshasa et l’Est du pays nourrit-elle l’engrenage de la violence ? La réponse humanitaire peut-elle pallier durablement les carences structurelles ?
Alors que Mirjana Spoljaric quitte la RDC après trois jours de mission, son plaidoyer pour une « action concertée » résonne comme un appel à l’urgence. Mais dans les ruelles poussiéreuses de Beni ou de Bunia, là où les balles remplacent les lois, c’est une course contre la montre qui se joue quotidiennement. Entre espoirs ténus et résilience farouche, les populations de l’Est continuent d’attendre une paix qui, pour beaucoup, ressemble encore à un mirage.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net