27.2 C
Kinshasa
jeudi, mai 8, 2025

Toute l'Actualité RDC, en Direct et en Détail

AccueilActualitéPolitiqueSécurité Alimentaire en RDC : Une Loi Salvatrice ou une Nouvelle Illusion...

Sécurité Alimentaire en RDC : Une Loi Salvatrice ou une Nouvelle Illusion Politique ?

En pleine tourmente d’une insécurité alimentaire chronique, l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo a marqué un temps fort ce mercredi 7 mai en déclarant recevable une proposition de loi visant à encadrer les principes fondamentaux de la sécurité alimentaire. Porté par les députés Thaddée Katembo et Alexandre Kambale Muhasa, ce texte ambitieux se présente comme une réponse législative à un défi structurel : nourrir une population dont les indicateurs nutritionnels clignotent en rouge depuis des années.

Sur le papier, l’initiative semble combler un vide juridique criant. La RDC, où près de 27 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë selon le Programme alimentaire mondial, ne disposait jusqu’ici d’aucun cadre législatif unifié pour ce droit constitutionnel. Le texte, articulé en 11 titres et 51 articles, promet une révolution administrative : de la coordination interministérielle au niveau présidentiel jusqu’aux mécanismes de financement pérennes, en passant par une redéfinition des compétences locales. Reste à savoir si cette architecture technocratique survivra aux réalités du terrain.

L’urgence affichée par les parlementaires contraste avec le calendrier politique congolais, souvent accusé de prioriser les luttes de pouvoir sur les réformes sociales. « Le secteur minier, principal pourvoyeur de devises, devra désormais cohabiter avec l’impératif agricole », souligne l’article 34 du projet, phrase lourde de sous-entendus dans un pays où l’exploitation des ressources naturelles rime souvent avec dépossession foncière. Une manière élégante de pointer du doigt un modèle économique qui sacrifie la souveraineté alimentaire sur l’autel des concessions extractives ?

Le parcours législatif du texte s’annonce néanmoins semé d’embûches. Renvoyé à une commission mixte associant environnement, tourisme et affaires sociales, le projet dispose d’un délai décennal – dix jours en langage parlementaire – pour survivre aux amendements. Un marathon procédurier qui rappelle le sort de nombreuses lois sociales enterrées sous les rapports d’experts. La composition même de la commission chargée de son examen, mêlant logiques économiques et préoccupations sociétales, laisse présager des arbitrages délicats.

Certains observateurs s’interrogent : cette frénésie législative traduit-elle une véritable prise de conscience ou n’est-elle qu’un écran de fumée face à la grogne sociale ? Le timing interpelle. Alors que les prix des denrées de base flambent dans les marchés de Kinshasa à Goma, le pouvoir semble découvrir l’urgence d’un problème ancré depuis des décennies. « Le droit à l’alimentation ne se décrète pas, il se budgetise », ironise un expert sous couvert d’anonymat, rappelant que les précédentes initiatives similaires ont souvent échoué sur l’autel des coupes budgétaires.

Les initiateurs du texte se défendent en brandissant son caractère holistique. Outre la création d’un Conseil national de sécurité alimentaire directement chapeauté par la présidence, le projet prévoit des mécanismes de suivi impliquant la société civile et les partenaires techniques. Une innovation dans un paysage institutionnel congolais souvent critiqué pour son opacité. Mais comment garantir l’indépendance de ces instances lorsque l’État peine déjà à financer ses structures existantes ?

La question du financement reste d’ailleurs le point d’achoppement majeur. Si le texte acte le principe d’une ligne budgétaire dédiée, il reste évasif sur les montants et les sources. Fonds miniers ? Partenariats publics-privés ? Aide internationale ? Autant d’options qui divisent déjà les groupes parlementaires. Dans un contexte de rigueur budgétaire, ce flou artistique pourrait bien être la faille par où s’engouffreront les lobbies hostiles à une réallocation des ressources nationales.

Les prochains jours s’annoncent déterminants. Alors que la commission mixte entame son examen, la société civile guette chaque amendement comme autant d’indices sur la sincérité réformatrice du pouvoir. Ce texte marquera-t-il un tournant dans la gestion chaotique de la sécurité alimentaire ou rejoindra-t-il le cimetière des bonnes intentions législatives ? La réponse se niche peut-être dans un détail procédural : les dix jours impartis pour rendre le rapport final incluent-ils les weekends congolais ?

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

Commenter
Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
Actualité Liée

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici


A la une Actualité RDC

Derniers Appels D'offres