Kinshasa, 8 mai 2025 – La diplomatie régionale poursuit ses efforts pour apaiser les tensions entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Mercredi, le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, a été reçu en audience par le président Félix Tshisekedi. Porteur d’un message de Faure Gnassingbé, médiateur désigné par l’Union africaine (UA), il a dressé un bilan d’étape de la médiation togolaise, engagée depuis avril 2025 pour résoudre la crise sécuritaire dans l’Est congolais.
« Les discussions se poursuivent en vue de trouver une issue favorable », a déclaré M. Dussey à l’issue de l’entretien. Une déclaration sobre qui contraste avec l’urgence sur le terrain : massacres de civils, pillages des ressources et affrontements entre le M23 – soutenu selon Kinshasa par Kigali – et l’armée congolaise plongent les Kivus dans un cycle de violence sans fin.
Un changement de médiateur dans un contexte explosif
La désignation du Togo en avril 2025, prenant le relais de l’Angolais João Lourenço, intervient dans un tournant critique. Depuis janvier, l’escalade entre la RDC et le Rwanda a atteint un paroxysme, avec des accusations répétées de Kinshasa sur une « agression » rwandaise déguisée. Le processus Luanda-Nairobi, dont Faure Gnassingbé assure désormais la coordination, peine à contenir la crise.
« La médiation est un exercice d’équilibriste », analyse un diplomate sous couvert d’anonymat. « Le Togo doit convaincre deux voisins qui ne se parlent plus, dans une région où les groupes armés prolifèrent et où les enjeux économiques – notamment l’exploitation des minerais – attisent les conflits. »
Les défis de la médiation togolaise : entre scepticisme et espoirs
Si les détails des « démarches entreprises » restent confidentiels, des sources proches du dossier évoquent des propositions de cessez-le-feu et un possible redéploiement des forces régionales de l’EACRF (East African Community Regional Force). Mais sur le terrain, les habitants du Nord-Kivu tempèrent cet optimisme diplomatique. « Chaque médiation apporte des promesses, puis les combats reprennent », témoigne un leader communautaire de Goma, joint par téléphone. « Le Rwanda nie son implication, mais nos villages brûlent. Qui protégera réellement les civils ? »
Cette défiance s’explique par l’histoire : depuis 1996, l’Est congolais a vu se succéder plus de 120 groupes armés et une vingtaine d’initiatives de paix, souvent éphémères. La médiation de Luanda, pilotée par l’Angola entre 2022 et 2025, n’a pas endigué la résurgence du M23. Le Togo saura-t-il éviter cet écueil ?
Ressources naturelles : l’angle mort des négociations ?
Au-delà des discussions sécuritaires, un enjeu majeur persiste : l’exploitation illégale de l’or, du coltan et autres minerais stratégiques du Kivu. Selon un rapport récent de l’ONU, ces pillages – attribués aux rebelles et à des réseaux transfrontaliers – financeraient l’économie de guerre. Pourtant, les plans de paix évoquent rarement ce volet économique. « Sans traiter la question des ressources, toute trêve sera temporaire », avertit un expert minier basé à Bukavu. « Les armes se tairont uniquement quand le business de la guerre deviendra moins rentable. »
Prochaines étapes : vers un sommet sous haute tension
Selon des indiscrétions, Faure Gnassingbé préparerait une rencontre entre MM. Tshisekedi et Kagame, peut-être à Lomé. Un face-à-face risqué, alors que la RDC exige le retrait des troupes rwandaises – officiellement inexistantes selon Kigali – de son territoire. « Le dialogue direct est nécessaire, mais il nécessite un minimum de confiance, aujourd’hui absent », nuance un conseiller de la CEEAC.
En attendant, Kinshasa mise sur un renforcement des partenariats militaires, notamment avec les pays de la SADC, pour contrebalancer l’influence rwandaise. Une stratégie qui pourrait compliquer la médiation, en donnant l’impression d’une solution par la force. Mais cette médiation pourra-t-elle inverser la tendance dans une région minée par des décennies de violence ? La réponse se jouera moins dans les capitales que dans les collines du Kivu, où chaque jour apporte son lot de souffrances et de résistance.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: mediacongo.net
