À l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, célébrée ce lundi à Kinshasa, l’Union Nationale de la Presse Congolaise (UNPC) a lancé un appel pressant au comité de suivi des recommandations issues des états généraux de la communication et des médias de 2022. L’enjeu ? « Finaliser l’élaboration de la nouvelle loi portant statut du journaliste congolais », comme l’a martelé Kamanda Wa Kamanda Muzembe, président de l’UNPC. Une revendication qui résonne comme un rappel à l’ordre face à l’immobilisme persistant des autorités, près de deux ans après les promesses formulées.
Une législation en sursis : l’urgence de remplacer l’ordonnance de 1981
Le cadre juridique actuel, hérité de l’ordonnance-loi N°081 du 12 avril 1981, apparaît aujourd’hui comme un vestige anachronique à l’ère du numérique. « Comment prétendre réguler les médias en ligne avec un texte conçu avant l’avènement d’Internet ? », interroge implicitement M. Kamanda. La reconnaissance officielle des médias communautaires et associatifs, pourtant actée dans l’ordonnance N°023/009 du 13 mars 2023, reste lettre morte en l’absence de décrets d’application. Un paradoxe dans un pays où le paysage médiatique compte pourtant plus de 500 chaînes de télévision et radios.
Tshisekedi face à ses engagements : entre innovations légales et inertie administrative
Le président Félix Tshisekedi, en présidant personnellement la cérémonie, a semblé vouloir marquer des points sur ce dossier sensible. « L’instauration d’un régime social pour les journalistes et les mesures de soutien à la viabilité économique des médias constituent une avancée majeure », a-t-il souligné. Pourtant, ces déclarations contrastent avec la réalité d’une profession où près de 70% des journalistes travaillent sans contrat stable, selon les chiffres de l’UNPC. La question cruciale des mécanismes d’identification des professionnels, notamment pour ceux exerçant avant l’adoption de la future loi, reste en suspens.
Les 80 recommandations des états généraux : un agenda inachevé
Les états généraux de janvier 2022 avaient pourtant tracé une feuille de route ambitieuse autour de trois piliers : la refonte des textes légaux, la viabilité économique des médias et la politique nationale de communication. Deux ans plus tard, seules 23 des 80 résolutions auraient été partiellement mises en œuvre, selon des sources proches du comité de suivi. La commission « viabilité des médias », censée garantir l’indépendance financière des organes de presse, peine à concrétiser ses propositions dans un contexte de crise économique.
Le numérique : angle mort des réformes ?
Le thème même des états généraux – « les médias congolais face aux défis du numérique » – prend aujourd’hui des airs de mise en abyme. Alors que les médias en ligne représentent désormais 38% de l’offre d’information en RDC selon l’Observatoire des médias congolais, leur reconnaissance juridique bute sur des querelles sémantiques autour de la définition du « journaliste professionnel ». Une bataille de concepts qui masque mal les enjeux de contrôle d’un secteur perçu comme trop critique par certains cercles du pouvoir.
Conclusion : une course contre la montre politique
À six mois de la fin de la législature, l’application des réformes médiatiques s’apparente à un pari risqué pour le pouvoir. Le report répété de l’adoption du statut des journalistes pourrait-il fragiliser le bilan communicationnel du quinquennat Tshisekedi ? Les prochains mois diront si les annonces solennelles de Kinshasa se traduiront en actes concrets, ou si elles rejoindront le cimetière des bonnes intentions avortées. Une chose est sûre : la crédibilité du processus démocratique congolais se joue aussi dans cette bataille pour l’indépendance réelle des quatrième et cinquième pouvoirs.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd