Dans un contexte marqué par des contentieux électoraux prolongés, le président Félix Tshisekedi a officiellement investi ce jeudi les nouveaux gouverneurs et vice-gouverneurs du Kwilu et du Nord-Ubangi. Une cérémonie sobre, mais lourde de symbolisme politique, qui clôt provisoirement des mois d’incertitude institutionnelle dans ces provinces stratégiques. Derrière ces nominations se dessine un subtil équilibre des forces au sein de la majorité présidentielle, mais aussi des interrogations sur la consolidation du pouvoir central dans des régions historiquement fracturées.
Au Kwilu, province emblématique de l’ouest congolais, Philippe Akamituna s’impose avec une majorité confortable de 28 voix. Le soutien affiché de l’Union sacrée, cette coalition hétéroclite gravitant autour du pouvoir, a sans conteste pesé dans les urnes. Son challenger direct, Donald Sindani, ne recueille que 11 suffrages – un écart significatif qui interroge sur la réelle pluralité du scrutin. La nomination du professeur Espoir Masamanki (UDPS) comme vice-gouverneur achève de sceller une alliance entre le CNC du président et le parti historique d’Étienne Tshisekedi. Une fusion des légitimités à haut risque, tant les attentes sociales dans cette région pauvre sont immenses.
Plus au nord, dans le Nord-Ubangi, le scénario électoral prend des allures de course solitaire. Les retraits successifs d’Oscar Oshobale, Simon Gbalimo Mbedwa et Izato Nzege, officiellement pour « raisons personnelles », laissent le champ libre à Jean-Bosco Kotongo Anfio. Un triomphe sans gloire pour ce dernier, élu avec 82% des voix dans une assemblée provincialepartiellement renouvelée. La CENI, gardienne controversée du processus, se retrouve une nouvelle fois sous le feu des critiques après l’annulation de plusieurs circonscriptions pour fraudes présumées lors des législatives de décembre 2023.
Ces élections provinciales tardives révèlent les failles persistantes d’un système électoral en quête de crédibilité. Le report initial des législatives, puis les invalidations partielles de résultats, ont créé un vide politique que Kinshasa s’est empressé de combler. Stratégie habile ou précipitation dangereuse ? Le calendrier serré imposé par la Cour constitutionnelle semble avoir primé sur l’exigence de transparence, alimentant les suspicions d’ingérence présidentielle.
Avec ces investitures, le pouvoir central parachève son maillage territorial. Le Kwilu, bastion de l’opposition lors des précédents cycles électoraux, tombe dans l’escarcelle de l’Union sacrée. Le Nord-Ubangi, quant à lui, consolide son ancrage dans la sphère d’influence présidentielle. Reste à savoir si ces nouveaux exécutifs provinciaux parviendront à incarner autre chose que des relais locaux du pouvoir central. Les défis sont de taille : enclavement chronique, insécurité persistante et attentes citoyennes exacerbées par des années de mauvaise gouvernance.
La balle est désormais dans le camp des élus. Sauront-ils transformer l’essai politique en actions concrètes ? Leur légitimité, issue d’élections entachées de controverses, sera-t-elle suffisante pour imposer des réformes impopulaires mais nécessaires ? Autant de questions qui se posent à l’heure où la RDC tente de concilier stabilité politique et exigences démocratiques.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
