Dans le secteur de la Lufira, à Mwadingusha, les cicatrices d’un rêve inachevé se dessinent sous les herbes folles. « J’ai cru à ce projet. Maintenant, mes enfants mendient un repas », confie Antoine*, ouvrier non payé depuis cinq mois. Son témoignage résume le naufrage du Programme de développement local des 145 territoires (PDL 145 T), promesse présidentielle aujourd’hui paralysée dans le Haut-Katanga.
La Nouvelle société civile congolaise de Kambove tire la sonnette d’alarme : chantiers scolaires abandonnés, entrepreneurs muets comme des tombes, familles plongées dans la détresse. Aladain Kabika, coordonnateur de la structure, dénonce une « trahison sociale » : « Comment expliquer que des gardiens – pères de famille – travaillent gratuitement pendant des mois ? Le développement local peut-il germer sur le terreau de l’exploitation ? »
Sur le terrain, les stigmates sautent aux yeux. Une école promise depuis 2022 n’est qu’un squelette de briques envahi par la brousse. Les riverains évoquent des engins rouillés et des entrepôts vidés du dernier sac de ciment. « Ils sont partis du jour au lendemain comme des voleurs », accuse une mère de famille vivant près du chantier.
Cette paralysie interroge la gestion des fonds publics en RDC. Le PDL 145 T, doté initialement de 1,5 milliard USD, devait incarner la décentralisation concrète. Mais à Mwadingusha, le mirage se dissipe. Qui contrôle réellement les entreprises sous-traitantes ? Pourquoi l’exécutif provincial reste-t-il sourd aux cris des travailleurs lésés ?
Les conséquences sociales sont explosives. Plusieurs agents impayés avouent avoir recours à des prêts usuriers. « Je dois 300 000 francs congolais (120 USD) à un voisin. Si les travaux ne reprennent pas, comment rembourser ? », s’étouffe un vigile rencontré près des installations fantômes.
Ce fiasco local pose une question nationale cruciale : les mégaprojets gouvernementaux peuvent-ils vraiment sortir les territoires congolais de la pauvreté sans mécanismes de transparence renforcés ? Alors que Kinshasa mise sur le développement infrastructurel pour assoir sa légitimité, les herbes sauvages de Mwadingusha pourraient bien devenir le symbole d’une ambition trahie.
La balle est désormais dans le camp des autorités. Relancer les travaux ne suffira pas. Il faudra auditer les dépenses, sanctionner les manquements et surtout – comme le martèlent les organisations citoyennes – ancrer les politiques publiques dans le dialogue avec les communautés. Le développement ne se décrète pas : il se construit, jour après jour, avec ceux qui en ont le plus besoin.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net